Beuh, je suis barbouillée.
Il fallait que ça tombe aujourd'hui, l'alerte à la bombe.
Je crois que j'ai bouffé trop de bonbec. Je croyais que c'était inoffensifs, ces machins là, alors je me suis trouvé 3-4 paquets et puis j'ai tout fini. Je sais pas pourquoi d'ailleurs, surtout que ça sert à rien et qu'au bout d'un paquet de crocodiles, j'avais pu faim.
Non je suis pas accro ! C'est juste que de mâchouiller des trucs, ça me détend et les bonbons, ça se mâchouille comme de rien. Et il y avait pas la notice avec et Lewis m'avait pas dis qu'il y avait des doses à respecter. Bon d'accord, 4 paquets, ça fait une sacrée dose, surtout que j'ai jamais eu un gros appétit.

En attendant, on m'envoie chercher des bombes alors que j'ai envie de gerber.
J'espère que ça n'a pas d'autres effets secondaires comme des hallu, parce que j'ai cru voir quelqu'un qui a plus d'un siècle.
Je me frotte les yeux, je cligne fort et... nan, ça peut pas être lui... il a une tête de... ou bien c'est ses fringues qui donne cette impression. Et pourquoi il souris comme ça ? Il m'a l'air bien content pour ortho, surtout un jour d'alerte à la bombe !

Je sort mon flingue (et oui ! on m'a enfin confié une vrai arme à feu) et je me rapproche de ce type louche.

-eh ! toi là, qu'est-ce que... Samuel ?

putain oui, c'est bien lui. Je crois qu'il m'a reconnu aussi.

-qu'est-ce que vous faites là ?

Je le regarde de haut en bas et de bas en haut.

-et dans cet accoutrement ?

Oh mais, ça lui fait quel age maintenant ? Ils sont retraités tôt les NODs en général et ne touchent pas une retraite de ministre.

-vous avez changé de métier ?

Mécanicien, ça doit être drôlement calme comme job quand on a fait parti des forces spéciales.

Ouahahahaha, hihihi huhuhu, je ris intérieurement. Ca va être beau, personne ne va rien comprendre. Ca va être la panique, les mentalistes qui laissent une bombe éclater à même pas 500 mètres de leur quartier général, ils vont avoir l'air bien.
Mais c'est trop calme, il ne se passe rien. Je pourrai lancer la bombe et partir tranquillement, même pas marrant.

-eh ! toi là, qu'est-ce que...
Chouette, des emmerdes ! Une femme à la belle voix.
Samuel ?
Merde. Je me retourne pour faire face à celle qui connaît mon nom, la bombe cachée dans mon dos.

Des cheveux noirs comme l'ébène, un visage dont la finesse ne peut être entièrement dissimulée par le masque de cuir qu'elle porte. Ces yeux profonds dans lesquels j'ai failli me noyer quand elle était gosse. Mais ce n'est plus une gosse, elle a changé, elle est devenue un petit brin de femme et a les atouts qui vont avec - et je sais de quoi je parle. Sa voix dure et sévère, un rempart contre le monde.
Elle a aussi changé depuis 2040, son uniforme n'est pas celui des NODs, mais celui des mentalistes. L'arme aussi a changé, ma petite est plus dangereuse que jamais avec ça entre ses pattes.

-Glups

Je déglutis, c'est plus simple que de dire son nom, mais comme je la connais ça va la vexer.
Heureusement elle passe aux questions. Elle ne perd pas de temps, elle a été à bonne école et son prof était certainement un génie sans pareil. C'était moi quoi.

-Haha, Hyena... C'est vrai que tu as traversé la faille toi aussi.

Petit sourire incontrôlé. Je savais qu'elle était ici, je l'avais vue dans les données volées à la police des pensées, mais je n'avais jamais songé que je la croiserais avec une bombe à la main. Je cache toujours l'appareil dans mon dos, j'espère être assez discret.

-Oui j'ai changé de métier, on peut dire ça. J'ai eu quelques conflits avec mes supérieurs.

Les NOD ont décidé de me faire passer pour mort et de se servir de moi comme cobaye pour des expériences sur les cyborgs, un petit conflit de rien du tout quoi. Heureusement que j'ai pu m'échapper.

-Et toi, que fais tu chez les mentalistes ?
...
-Ah oui, c'est à moi de vous vouvoyer maintenant, madame la représentante de l'État !

Je me tiens droit et lui fais un simulacre de salut, espérons qu'elle a un peu plus d'humour qu'avant.
Mais... je me demande si j'aurais une chance contre elle si elle découvrait la bombe.

Ça fait bizarre de le revoir. J'ai eu un peu de mal à le reconnaitre après tout ce temps.
C'est bête qu'il ne soit plus NOD, il était doué. Peu bordélique dans sa façon de faire, pas toujours très conventionnel, mais efficace.
Il a été viré ? Il a du se prendre la tête avec un supérieur. C'est qu'il a du caractère et un côté un peu rebelle, un peu fâché avec l'autorité. Il a du ouvrir sa gueule une fois de trop.

Ça fait bizarre aussi qu'il me vouvoie. Pourtant, même mes supérieurs me vouvoient maintenant. Lui, il m'a toujours tutoyé, mais il m'a connu quand j'étais gosse.
Il m'appelle même "madame", ça me vieillis. Ça me donne l'impression... un peu comme s'il me voyait comme une adulte pour la première fois.
Et un peu aussi comme si... comme si on ne se connaissait plus. Enfin pas vraiment. Notre relation n'est plus la même, forcément. Il doit me respecter. Mais le "vous" dans sa bouche à lui... je sais pas, j'ai presque l'impression qu'il se moque de moi. En plus il s'est toujours un peu moqué de ses supérieurs. Je sais pas trop comment le prendre.

-finalement, je crois que je préfère quand vous me tutoyez

Même si dans le cas présent, je ne sais pas trop si ça se fait.

-On a trouvé que j'avais plus ma place chez les mentalistes que chez les NODs, alors j'ai été mutée.

Je lui raconte pas trop les détailles, hein. Pas la peine de préciser que les NODs de ce siècle m'ont traité de fillette et que j'assurais pas physiquement. Et puis les muscles, ça fait pas tout.
Je ne vais pas non plus me venter de mes capacités cérébrales, celles qui m'ont rendu intéressante pour le Temple mais qu'il a fallu retravailler. Quoique c'est plutôt positif puisque je me suis bien améliorée. Je maitrise mieux mon pouvoir qu'avant.

-j'ai eu droit à un traitement spécial au Temple, pour optimiser mon pouvoir mental. Et...

et quoi ? J'ai changé de traitement médicamenteux mais ya encore des ratés ? Non, ça je vais peut-être pas lui dire.
et je lui raconterais peut-être pas non plus qu'on me jugeait pas assez fiable pour avoir une arme jusqu'à aujourd'hui.
Je vais pas lui dire que j'ai fais une overdose de bonbons et encore moins que j'étais chez une valkyrie au moment où j'ai passé la faille.

Mais je lui dis quoi alors ?
Ben rien.

-et c'est tout.

Il doit être fière de moi en voyant là où j'en suis arrivée. Enfin je crois. J'espère.

Toujours aussi réservée, mais au moins elle préfère que je la tutoie. Ca tombe bien, j'aurais eu du mal à perdre ma vieille habitude. D'ailleurs elle me vouvoie toujours, alors que techniquement je suis son ennemi. Mais ça elle ne le sait pas... encore. C'est dommage, j'espère qu'elle ne m'en voudra pas trop.

Ainsi, elle est devenue mentaliste. C'est vrai qu'elle aurait fait tache au milieu des NODs boostés aux membres cybernétiques, et même si elle n'est pas aussi fine et retord que ses collègues elle a tout de la prestance mentaliste.

-Je l'avais dit que tu irais loin, plus loin que moi.

Je la parcours du regard en souriant.

-Un joli brin de femme, solide comme un rock. Tu peux être fière de toi !

En plus de ça elle a amélioré son pouvoir mental... Je me demande quelles sont ses limites maintenant, elle saurait probablement m'empêcher de fuir... Plus ça va et moins j'ai d'espoir de m'en tirer sans devoir lui faire de mal.

-Et puis c'est vrai que chez les NODs... Ils sont devenus trop bêtes, tu n'aurais pas été à ta place.

Moi peut être que j'aurais été à ma place, mais je n'ai pas encore eu l'occasion de croiser les gens des forces spéciales de cette époque, à croire que ça n'existe plus et que tous les NODs sont considérés comme une élite. Ca serait bien présomptueux de leur part, preuve en est qu'ils ne font pas le poids contre moi.

Suis-je à ma place chez les insurgés ? Peut-être, peut-être pas... C'est plutôt précaire et assez difficile, la bouffe est dégueulasse et les douches se font parfois rare ou à l'eau froide.
En tous cas j'aime leur liberté et il y a toujours de l'action, ça me suffit.
Mais... Et elle, ça lui suffit d'être mentaliste ?

-Et, au fait... Tu es heureuse ?

Oui parce que "tu veux venir vivre dans les égouts avec moi ?" ça fait un peu direct en fait.

Il est fière de moi ? oui ? comme je l'espérait.
Et mais qu'est-ce qu'il a à me reluquer comme ça en souriant ? vieux pervers !
Quand il dit "joli brin de femme", j'ai envie de lui mettre une pêche pour lui montrer si je suis une brin. Heureusement il se rattrape bien avec la suite.

Et il a raison quand il dit que les NODs sont devenus bêtes. D'ailleurs, s'il savait la réputation qu'ils ont auprès des mentalistes... réputation qui n'a pas aidé à mon insertion. Je suis toujours un peu traitée comme une débile, mais ça s'arrange. Le fait que j'ai arrêté de mordre les infirmiers doit aussi y être pour quelque chose.

-Et, au fait... Tu es heureuse ?

Quoi ?

-heureuse ?

haussement d'épaules
C'est quoi cette question ? Je me la suis jamais posée.
Personne ne me l'a jamais posée !

-qu'est-ce que vous entendez par là ?

Il veut savoir quoi quand il me demande si je suis heureuse ? Si je vais bien ? Si je mange à ma faim ? si j'ai une vie facile ? si je suis satisfaite de ma condition ?
Je fais vraiment partie des privilégiés maintenant, est-ce que je suis donc sensée être heureuse ?

-Tu imagines ? Envoyer tout ça en l'air et pouvoir te reposer, ne plus avoir la culpabilité de détruire des vies. La paix somme toute, non ?

Il a juste pu finir sa phrase, je lui ai mis un pain.
en plein dans les molaires

je sais pas trop ce qui m'a pris.
Il parlait, il parlait... il disait des choses impossibles, des rêves intolérables.
je... je non, ça va pas du tout ce qu'il dit ! Et je sentais la colère monter, j'ai pas pu la retenir.

-abrutit !
ça existe pas la paix
c'est pas possible
envoyer tout en l'air... et puis que j'me flingue ?!!
héhéhé !

ça y est, c'est parti... la nervosité, le petit rire et tout le tralala. Le comportement instable. Toujours pas au point, le traitement.
Il faut que je bouge. Je fais deux petits allez-retour d'un mètre devant lui et je m'arrête. Je parle en agitant les mains dans le vide (c'est peut-être mieux que de les lui agiter dans la figure).

-tu sais ce qui se passe quand j'ai pas de mission ? Je tourne en rond comme un lion en cage ! Je deviens dingue !

bon ok, j'ai toujours été dingue, mais j'me comprend... à peu près.

-il faut que... que je détruise. Des choses, des gens... des gens sales...héhéhé... ahah
J'aurais jamais la paix.
Je... j'ai même pas réussi à la crever... ils m'ont pas laissé faire... hihihéhéhé

Je part en vrille là...

j'ai tué personne depuis que j'ai passé la faille (même la connasses dans ma salle de bain, j'ai pas pu l'achever). C'est peut-être ça qui me manque ? Et il voudrait m'empêcher de recommencer ?!
J'ai eu que des mission pourraves alors que je sais me battre, je sais tuer, je sais faire mal bien comme il faut... j'ai bien appris, je me suis appliquée. Et lui il me parle de tout arrêter ?! Mais même quand je veux pas, je fais du mal aux gens...

Mais on se calme, on respire avant de refaire une bêtise.
Je tiens mes doigts de mes deux mains entrecroisés en les serrant fort les uns sur les autres. Ça m'évitera peut-être de lui remettre une pêche.

-hihihi
à part ça... ça va pas si mal... j'ai un appartement plus grand
dans lequel je ne me sent pas à l'aise depuis qu'une truie à garé sa moto dans mon salon.
-des collègues... biens
il y en a des chiants, mais il y en a des sympas, un en particulier
-et je peux me payer tout ce que je veux à bouffer
et faire une overdose de bonbec. D'ailleurs, à m'agiter comme ça, ça m'a redonné la gerbe. Il est temps que je me calme sinon je vais dégueuler.
-par contre, le traitement n'est pas au point.

voilà, ça c'est dit. C'est surement la faute au traitement. C excuse le pain dans la gueule, non ?

-euh... ça va ?

je lui est peut-être fait sauté un bridge ou fêlé la mâchoire.
J'en revient pas que je l'ai tapé, comme ça, après ne pas l'avoir vu depuis plus d'un siècle. Il n'est plus mon supérieur depuis longtemps, mais j'ai quand même un peur qu'il riposte. Une vieille habitude.

-Un appart' trop grand pour toi, des collègues que l'on te force à aimer et une bouffe qu'on ne t’a pas appris à apprécier, en effet t'as trop de la chance.

Oh le con ! c'est quoi cette merde qu'il me bave ?!
en fait la question, c'était pas plutôt "est-ce que tu es bien malheureuse ?" ? Et si je ne l'était pas assez, il s'arrange pour y pallier. Merci vieux, je te revaudrais ça. 'culé !
Et pourquoi pas maintnant ? Je le fini à coups de latte tant qu'il a le cul par terre ? C'est pas l'envie qui me manque, mais ce serait pas bien.
Je lâche juste un regard assassin et un

-vous êtes jaloux

plein de défis
est-ce que moi aussi je pourrais le mettre en rogne ? Qu'il riposte ! j'attends qu'ça. J'en tremble d'impatience. Frappe une seule fois et je te démolis.

BIIIIP

C'est quoi ce bip ?

Désolé...

Comment ça "désolé" ?!
Oh j't'en pris, ne me regarde pas comme ça !
Je retire mon regard plein de haine du sien attristé.
Putain !! pourquoi il me fait ça ?! Pourquoi il ne riposte même pas ? Pourquoi est-ce qu'il me met en colère et qu'il s'excuse juste après ?
Je regarde pas sa face sinon je vais lui casser la gueule, alors qu'il vient de m'enlever toute raison à peu près valable de le faire. Merde quoi ! Il est chiant !!

-On se reverra plus tard, mais uniquement si tu le veux.

Quoi ? Il s'en va ? déjà ?
et ce "uniquement si tu le veux" me rappelle quelque chose...

-Parce qu'il faut que je t'explique des trucs, mais là toi et moi on va être plutôt occupés. Mais faut pas que tu m'en veuilles, faut que tu me laisses une chance. D'accord ?

Il y a des choses qui ne changent pas.
J'ai envie de lui éclater la tête, de lui faire bouffer ses dents comme au premier jour où on s'est vu. Et lui, comme toujours, il veux expliquer des choses et il me demande mon accord, il me laisse le choix. J'ai aussi l'impression qu'il me cache des choses, comme au début quand j'étais son élève. Et plus tard, il me dira aussi que c'est pour mon bien ?

Je fais la gueule. Je rumine ma colère parce que je ne sais pas quoi faire d'autre. Je n'arrive pas à arrêter la machine à rage. Il faudra que je pète un truc avant la fin de la journée, sinon ça va mal se passer.
En attendant je lui répond quand même :

-... d'accord.

Qu'est-ce qu'il a encore derrière la tête ? Ça a l'air sérieux. Mais je suis trop fâchée pour discuter d'avantage, là, tout de suite.
D'ailleurs, il devrait se méfier au lieu de rester comme ça, les mains dans le dos.

Je lui en veux à mort d'avoir critiqué ma vie, comme s'il savait mieux que moi ce qui s'y passe. Il pense peut-être que je suis toujours la même, que je peux pas changer. Mais merde, s'il savait... et s'il savait comme ça m'inquiète, ces changements... Il y a des choses qui ne seraient jamais arrivées il y a un siècle.

Il parle toujours autant. Et il dit toujours des conneries.
Et il m'énerve grave, monsieur je sais tout !
Il a tort !!
Il ne sait rien !
Et il gatouille ne plus ? Combien de fois il va le répéter, ce mot qui ne veux rien dire ? "heureuse", "heureuse", il commence sérieusement à me faire chier avec ça ! comme si ça devait être une obligation. Comme si c'était si facile et indispensable. Et ce qui m'énerve encore, c'est qu'il dit ça comme une évidence.

Mais il s'énerve pas lui. Il veut toujours que mon bien. J'ai pas le droit de lui casser la gueule pour ça.
J'ai lever le poing, je l'ai rabaissé devant lui aussi vite si j'avais l'assommé avec. Mais je me suis retenue. Du coup mon geste ne fini pas sur sa gueule mais avec un doigt brandi devant son nez et un NON !! en tapant du pied.

t'en sais que dalle de ce que j'me contente !
Putain ! Tu crois vraiment qu'il suffit de tout plaquer et d'aller voir ailleurs pour trouver le bonheur ?! Comme si c'était mieux ailleurs. Quelle connerie !
Et qu'est-ce que t'en sais que j'essaie pas déjà ?! Qu'est-ce que t'en sais après avoir disparu pendant toutes ses années ?! Tu connais rien à ma vie !

Tout le monde se contente de ce qu'il a. Tu vas pas me faire croire que ma condition vaut moins qu'une autre ! Tu voudrais que je fasse quoi ? hein ?! Que je vende mon cul comme brave petite chienne de valkyrie ? Que je m'emmerde avec un bouleau minable et abrutissant d'orthodoxe ? Ou pire, que je retourne au NOD ?! Ce serait super, à notre époque, tient, je serais merveilleuse avec mon cerveau dans un bocal vissé sur un tas de ferraille ! Ou alors quoi ? Tu vas me pondre des œufs en or, que je devienne automate ? Ah ça, si le bonheur pouvait se trouver dans le cul des ânes...

euh, j'arrête là, ça devient un peu trop imagé et franchement insultant. Il pourrait bien m'en retourner une si je le traite d'âne. Remarque c'était bien ce que je voulais, que ça me donne une excuse pour le fracasser, mais je crois que je commence à être un peu calmée ou a en avoir marre de l'engueuler. Je lui en ai tellement mis plein la tête avec des mots que j'ai moins envie de le faire avec mes mains.
Il reste juste un rire qui s'échappe de je ne sais où. Je sais pas pourquoi je ris. Pourtant, ça va mieux maintenant que c'est sorti. Enfin je crois.

Il va être en retard ? Bah tant pis. C'est pas comme s'il avait quelque chose de vital à faire. Au pire, j'irais toucher deux mots à son patron pour qu'il lui foute la paix. Moi par contre, je devrais être en train de chercher les bombes. Ça pourrait péter d'un instant à l'autre n'importe où dans cette ville.

C'est froid
ça colle
c'est sale
et c'est rose bordel !

Ça explose sur la place du Temple
yen a partout
tout sali

et quand j'essuie mon visage, je vois un dos rose qui s'enfuit dans une bouche d'égout.

lui, un insurgé ?
un sale rat d'insurgé ?
le sale traitre !!
le sale... sale !! salopard !

il m'a sali avec sa sale peinture rose collante et sali tout ce qu'il représentait pour moi.
Je ne le connais plus
je vais le tuer
ce sale porc à dos rose collant comme ma face, mon ventre... tout ! Il m'a tout sali !

La souillure appelle la souillure
moi aussi je vais le salir. Je vais donner une nouvelle teinte plus chaude à son rose de chochotte. Je vais faire bouillir ses tripes dans le feu de ma colère.
Il parlait de bonheur. Il voulait que je vois la vie en rose ? Maintenant je vois rouge. Je vais le saigner ce goret !

Je réfléchis pas, je fonce à sa poursuite. Il a déjà pris assez d'avance comme ça.
Je saute dans le trou, atterrie dans les égouts. J'ai pas vu où je mettais les pieds, ça a fait flosh. C'est mouillé. Ça pue. C'est très sale. Très déplaisant. Très... oh putain oui, il va payer. Je suis hilare. J'ai les nerfs. Ça va pas du tout être bien comme il faut.

Mais j'y vois que dalle dans cet égout. Tant pis, je cours en suivant le bruit de ses pas. Sans m'arrêter, je sort mon arme poisseuse, elle aussi dégoulinante de peinture rose, et je tire devant moi, trois coups de suite. Je ne vois pas où je tire, mais ça fait rien, je l'aurais.

Je l'ai eu ?
ah non, je l'entend encore.
C'est qui qui est tombé alors ?
On s'en fout
Je tire sur la voix.

j'entends pas tomber dans les flaques putrides
je l'ai loupé alors je crois

il est où ?
je m'arrête, je n'entend plus ses pas
caché ?
mais je vais le trouvéééé

Je suis sûre, il est là, quelque part
il m'entend, il attend que je le trouve
alors j'avance doucement, en pataugeant dans l'eau de toutes les chiottes de Novlangue.
C'est sale. Tellement sale que je m'y perd
je suis si dégueulasse que je ne peux plus être moi. Je peux pas continuer comme ça. Je ne peux pas être cette mentaliste rigoureuse, propre, appliquée, sérieuse et réfléchie.
C'est immonde. Tellement crade que je ne peux plus être choquée. Je suis au delà du choc, la raison explosé en millions de petits confettis. Je suis rose. Sale et rose. Et sa cervelle, est-elle rose ?

il fait sombre ici
sombre aussi dans mes idées sales

j'ai des mots qui me trottent dans la tête avec un rythme idiot. Une chanson ? oui peut-être

-un petit cochon pendu au pla-fond
tirez la queue, il pondra des œufs
Tirez lui plus fort...

où te cache-tu, vieux porc ?

Trouvé
ou plutôt c'est lui qui m'a trouvé
l'enfoiré

je me suis mangé son épaule et son pied dans les côtes
Je me retrouve à quatre patte, les mains et les genoux qui trempent dans l'eau merdeuse. J'ai paumé mon flingue.
Chiotte !

-putain, NAN !

mon flingue quoi ! Depuis le temps que j'en voulais un, on venait enfin de me le confier et je le perd déjà bêtement dans l'eau de chiottes.

J'ai mal aux côtes, mais je m'en fout, elles en ont vu d'autres, celles-là.

-mouahahah !

je me marre
je me marre et puis je tousse.
Ouais bon, même quand ça connait, les côtes, ça n'aime pas les coups de pieds.

Je me relève en vitesse, avant de m'en prendre un autre.
Mes yeux commencent à s'habituer à l'obscurité. Je distingue sa silhouette qui s'éloigne.
Hey, va pas trop loin.

Je n'ai peut-être plus d'arme mais je vais lui rentrer dans le lard, à ce connard.
Je cours vers lui, j'attrape mon poing, petite rotation du tronc et je lui balance mon coude dans le ventre. Ah non, dans la cage thoracique. J'ai un peu grandis depuis la dernière fois où je me suis battue contre lui.
Ça fait rien, œil pour œil, côte pour côte.

Bon, elle se relève... c'est déjà un bon point.
Bon, elle me fonce dessus je crois... ça par contre c'est un mauvais point. En plus avec l'obscurité ambiante je n'y vois pas grand chose. J'espère qu'elle va pas viser à côté, elle aurait l'air conne.

Alors que je vais lui proposer de faire une pause pour aller allumer la lumière, elle tourne sur elle même. Directement un sentiment de déjà-vu s'empare de moi. La douleur elle aussi veut sa part du gâteau et me cramponne aux côtes quand son coude me percute.
Puissance, technique, rapidité... je sais pas, il fait trop noir. Et j'ai pas vraiment envie qu'on recommence en plein jour pour que je puisse la noter, étonnamment je ne suis pas masochiste.

J'ai reculé à cause de l'impact, mais je ne me laisse pas abattre et me relance directement en avant pour l'empêcher d'enchainer, et surtout d'utiliser son pouvoir. Viser les yeux, plus facile à dire qu'à faire.
Mais j'ai de la chance, j'arrive à lui mettre une baffe qui lui fait tourner la tête, avant de me jeter contre elle pour rester en dehors de son champ visuel. Elle me frappe, mais l'adrénaline me permet d'ignorer la douleur, pour l'instant.

Elle doit être sonnée par ma baffe, ce qui me permet de prendre le dessus. Je la frappe encore deux fois à la tête avant de la soulever et de lui mettre un énorme coup de boule qui me sonne. Je la lâche et titube, elle s'effondre contre un mur et ne bouge plus.

Merde... Hyena !

Je m'approche vers elle, tombe à genoux et lui saisit le visage. Putain, merde ! Voilà les remords...
J'abaisse son masque et lui saisis fermement la tête, s'agirait pas qu'elle me morde. Elle respire encore, et je peux sentir son pouls, ça devrait aller. Mais si je la laisse ici elle va se noyer ou crever d'hypothermie. Et je n'ai pas beaucoup de temps avant qu'elle ne se réveille.

Je la prends dans mes bras et me relève tant bien que mal. Il y a un poste de secours insurgé pas loin, j'espère que ça le fera.

*******

Ca l'a fait, miracle. Les autres ont fait une drôle de tête quand ils m'ont vu arriver en portant une mentaliste. Heureusement j'en connaissais quelques-uns ce qui m'a évité de me faire cribler de balle. Mais on a perdu du temps et Hyena a commencé à se réveiller, alors le docteur lui a injecté un sédatif pour qu'elle reste tranquille. "Ca fera effet trois-quatre heures et elle aura mal la tête au réveil", qu'il a dit.

J'ai du m'engueuler avec tout le monde pour pouvoir l'emmener chez moi, ils aimaient pas ça mais je ne leur ai pas vraiment laissé le choix. Puis ça fait un prisonnier de guerre comme ils disent.

*******

Chérie, je suis rentré !

J'adore gueuler ça quand je rentre chez moi.