Je m'balladais, sur l'avenue, le cœur ouvert à l'inconnu, j'avais envie de faire n'importe quoi avec n'importe qui quand tout à coup...

Pitain mais c'est quoi c'truc!?!

A midi, droit devant, à environ 20 mètres de moi, y'a ce... cette... nan mais pour de vrai, c'est quoi ce truc??? Un espèce de gros chat, avec un gros marteau, trop de truc gros quoi.
Je l'ai regardé parce que j'ai entendu de loin un "je m'ennuie", expression d'une envie de trouver un compagnon de jeu partagé par moi même. Mais si j'aurais su, j'aurais pas r'gardé! Parce qu'après, j'ai crié! Et si je l'ai entendu parler, forcément, la chose m'aura entendu aussi. Et là franchement, j'suis pas sur d'avoir envie de jouer...

Planté sur mes deux pieds, bien stable, je me tiens prêt. Prêt à détaller, prêt à crier, prêt à jouer? On verra bien, mais une chose est sure: je suis prêt!

C'était prévisible. La chose m'a entendu. Je dis la chose et pas le machin, parce que quand elle s'est tournée, j'ai bien vu sa paire de loches, comme dirait Bad. ça doit être les hormones, mais ça m'fait ouvrir les yeux grands comme des... des... des quoi, j'en sais rien en fait. Par une heureuse manœuvre, j'ai réussi à garder la bouche fermée, pour éviter de baver.
C'pas ma faute, c'est la puberté. J'ai le spaghetti al denté là.
Alors je reste figée, face à la chose qui s'approche de moi. Faut dire que j'ai plus beaucoup de sang qui irrigue mon cervelet. Pis vaut mieux pas que j'parle, sinon j'vais faire un carnage.

Elle par contre commence à me parler. Bah oui, quand j'ai gueulé, c'est de toi que j'parlais poupée. Faut dire que t'es un sacré morceau. Pis voilé pas qu'elle me sort le grand jeu? Genou à terre, grand sourire, manque plus que le clin d’œil tiens. Quand elle me demande si j'ai jamais vu une femme lionne, j'ai envie de lui faire la liste de toutes les bizarreries que j'ai croisées dans ma chienne de vie. Mais pas de femme lionne non. Grâce à toi bébé, j'vais allongé ma liste. Mais les mots ne sortent pas. J'ai toujours peur de baver si j'ouvre la bouche. Alors à la place, je tends une main vers son visage, comme pour vérifier qu'elle est bien réelle. Et là, c'est le drame.

C'est toi l'chat!

Bah oui, c'est comme ça chez Marty. Y'a pas que sa concentration qui a la durée de vie d'un bulot hors de l'eau. Y'a aussi ses hormones qui vont et qui viennent. Du coup, pas de drague, pas de pelotage de nibard. Non, juste une petite tape sur l'épaule, et je pars à la cavale, laissant échapper un rire d'enfant ayant trouver un compagnon de jeu.

Sauf que. Forcément, y'a toujours un mais, un sauf que, un j'aurais p't'être pas du. Et là, je me souviens. Je me rappelle de son marteau qui m'écraserait l'échine avec facilité, de ses dents pointues qui m'arracheraient le foie sans forcer, de ses grandes jambes qui vont lui permettre de me rattraper pour me faire tout ça avec rapidité. Et surtout, surtout, j'l'ai traité de chat... Risqué, très risqué. J'la connais pas, elle est peut être susceptible.
Mais j'me souviens aussi de ses nénés. Après tout, j'ai presque envie de me laisser rattraper...

C'est toi l'chat!

Chat ? Bah, non je suis une lionne...

Je vois le mouflet qui décampe en riant, des fois je suis vraiment une truffe. Je porte la main sur mon front d'un air dépité.

Je me lance à sa poursuite, c'est exactement ce qui me fallait pour me détendre.

Je saute par dessus des poubelles, je monte a une échelle, je le vois courir dans la rue, j'anticipe son point de chute et...

Chat !

Je lui ai donné un coup un peu trop fort voila qu'il trébuche, j'essaie vite de le rattraper avant qu'il tombe.

Ça va ? Excuse moi petit j'ai du mal contrôler ma force.

je suis vraiment gêné j'aurais pu lui faire mal a ce gamin.

De temps en temps, j'ai les yeux dans le dos, pour évaluer mon avance.

Oh pinaise, c'est qu'elle envoie la gonzesse! Dans l'genre yamakasi à poils longs, elle a du niveau. Faut que j'accelère, sinon...

Hiiiiiiiaaaaaaaaaa !!!

Je crois que je l'ai entendu crier chat quand j'ai commencé mon vol plané. Ma vie défile pendant que je reste en léviatation. ça doit bien faire cinq minutes, à vue de nez, que je suis dans les airs. Nan, j'exagère pas. La preuve, j'ai le temps de faire trois pirouettes non maitrisées, de faire une dizaine de prières que j'me rappelle même pas bien les paroles, et certainement plusieurs grimaces exprimant l'état étrange dans lequel je me trouve.

Dans quel état j'erre? Bonne question. Déjà, j'erre pas, je plane. J’oscille entre le gros kif de l’initiation au vol libre, le doute quant à l'atterrissage, et surtout une putain de méga trouille à en mouiller le slip!

La réception est proche, je sens le sol se rapprocher à grande vitesse. Impact dans 3... 2... 1...

0,5...

Splatch.

J'ai trop hésité entre le "j'me mets en boule", le "je mets les bras en premier", et le "putain j'vais m'éclater la tronche". Et forcément, c'est la dernière réflexion qui fut choisie.

Je me relève, la gueule en vrac. J'ai l'impression d'avoir le cerveau dans les chaussettes, et les pieds à la place des oreilles. Faut dire que mes oreilles font largement la taille de mes pieds. C'est pour ça qu'on m'appelait Marty la Parabole. Mais on n'est pas là pour parler de ça. Tout en remettant mes fringues et mes idées en place, j'observe mes coudes rapés et m'approche d'elle.

Nan mais c'est pas croyable!!! C'est un truc de ouf! T'es genre psychopathe toi!

Je la regarde, le regard humide et brillant.

Comment tu fais ça? Tu veux bien m'apprendre à sauter aussi haut que toi? Bon, j'sais bien que j'suis un tout petit peu plus court sur pattes que toi, mais j'suis vif, j'sais que j'peux l'faire!
Allez quoi, vas y, fais pas ta conne, apprend moi!

Oups. Je suis en train de parler à une femme lionne dont le sommet du crane culmine à au moins 3 mètres (nan, j'exagère pas!), qui a un gros marteau et des dents pointues, qui me fait faire un vol plané d'au moins 100 mètres (qu'est ce que je viens de dire?), et j'lui parle comme ça? J'suis malade moi...

'xcuse moi. Mais allez quoi, fais pas ta conne. Steuplé.

Suzy me l'a appris, c'est important d'être poli.

Oh oh... Dans ce qu'elle dit, ou plutôt dans ce que j'écoute de ce qu'elle dit, c'est à dire pas grand chose parce que mon attention est occupée à la scruter des pieds à la tête, il y a certains mots qui me sortent de ma contemplation.

Bordel, c'est une NOD. Comment j'aurais pu imaginer ça moi? Une bestiole comme ça chez les NOD... C'est pas réglo! Merde quoi. Lui échapper est quasi impossible. J'vais faire quoi moi main'nant? Déjà, rester naturel. Ne pas montrer que notre relation va prendre fin dans la minute qui suit. Désolé beauté, mais entre nous ça s'ra pas possible. Je suis beaucoup trop jeune pour toi. Et surtout bien trop frêle pour lutter contre Gorak.

Gorak... Pitain, le nom est bien trouvé tiens. Ce "ak" final sonne comme un grand coup dans la tronche, comme un os broyé, comme un morceau de chair qui se détache... Et j'ai pas envie de tout ça moi.

Coup de bol, c'est moi le chat. Vas y cours! Mais cours j'te dis! Pourquoi tu ralentis? Pourquoi tu sautes pas au dessus de ce mur? Mais cours!!!
Nan, elle fait semblant, je le vois bien. Elle veut m'apprendre. "Sur le tas", comme elle. Et là, c'est le drame. J'ai un p'tit cervelet moi. Et quand deux choses s'y opposent, c'est le gros bordel. Entre l'envie de me barrer pour aller me planquer dans un trou de souris (pas si bonne idée face à un si gros chat finalement...) et celle d'apprendre à marcher sur les murs, comment décider?

Bah, après tout, autant s'marrer un peu. Je plongerai dans une bouche d'égout si ça tourne mal.

'tention j'arrive!!! Tayyyyoooooooo!!!

C'est parti. La course commence. Courir, je sais faire. Mais là, le fun, c'est aussi de sauter, de voltiger, de rouler, de...

Se ramasser comme une fiente ne faisait pas partir de mes objectifs... Vite, de retour droit sur mes jambes, prêt à repartir. Elle est où? Observation... Je suis fort en observation. Et ce qui la trahit ce coup ci, c'est le manche de Gorak.

Brrrrrr...

Malgré le frisson qui me frotte l'échine, je repars à sa poursuite.