Ce n'était que, son frère...

Le cœur du NOD battait moins fort d'un seul coup, comme si cette nouvelle lui avait fait écarté un adversaire. Et pourtant le regard qu'elle avait en disait beaucoup plus sur sa relation avec son jumeau, qu'elle ne voulait en dire. Haakon ne cessait de la fixer, elle qui semblait perdue une fois de plus dans ses pensées. Lui, était fils unique et ne savait donc pas ce que représentait ce lien fraternel entre deux personnes. Même au Centre avec les recrues qui partageaient son dortoir, il n'y avait jamais eu, ne serait-ce qu'un petit lien d'amitié; juste un respect mutuel et de la discipline pour effectuer le travail qui leur avait été confié.

Pourtant il était touché par ses interrogations. C'est la première fois qu'il ressentait chez elle un tel malaise. Comme si elle cherchait quelqu'un sur qui s'appuyer, et exprimer ses doutes. L'existence d'un être était-elle liée à celle d'un autre ? Cette question, Haakon ne se l'était jamais posée. Mais devant les confidences de Gwenaël, il prit quelques instants et réfléchit sur le sujet. Lui qui n'avait toujours été qu'un NOD, ne vivait donc par conséquent que pour chasser et réglementer les Insurgés qui pullulaient Novlangue. S'ils n'avaient pas existé sans doute que son rôle aurait été différent, cependant ce qu'il est, l'individu en lui-même resterait unique ! Non ?

Bien sur que tu n'es pas ton frère. Et je ne pense pas qu'il puisse être toi.
Vous êtes surement liés l'un à l'autre, mais rien ne peux vous empêcher de grandir différemment, n'est-ce pas ?

Non il n'aurait pas pu être elle.
Il n'aurait sans doute pas réagit comme cela, et rien que de ce point de vu là, il était sur qu'elle était unique sur Terre. D'ailleurs c'était bien la seule Insurgée capable de s'assoir avec un NOD et discuter en toute simplicité.

Il ne comprenait pas bien son besoin de se différencier de son frère. Peut-être était-il trop présent dans la vie de la jeune femme, et qu'à son âge il lui fallait de l'indépendance et un peu plus de liberté. Bien que ce dernier point était presque impossible à cause de son étiquette de rebelle et la traque perpétuelle qu'elle se livrait avec la police de l'Ordre.

Pour moi en tout cas, tu es unique.


…

Un autre silence, les yeux fixés contre le mur gris, avant de remarquer que son mal-être psychologique se répercutait de manière physique. Les poings serrés et le visage fermé, elle gardait en elle ses mauvais démons. Haakon fronça les sourcils et détacha son bras du corps pour venir déposer sa main sur le poing gauche de Gwenaël.

Et ne laisse personne te dire le contraire.

C'est la première fois. La première fois que je parle de ça. Même si je ne dis pas grand chose... Mes yeux ont beau fixer le mur en face, je n'y vois plus grand chose. Qui est-il ? Qui est-il pour arriver à me faire baisser ainsi la garde ? Je le connais depuis si peu de temps, et pourtant voilà que je lui parle de Guillaume. Comme si quelque chose en lui me poussait à m'ouvrir un peu plus.

Ses affirmations me font du bien. Il ne connait pas Guillaume, et il ne faut pas qu'il le rencontre. Jamais. Je ne suis pas mon frère... Là, aux côtés de Haakon, j'y crois. Fort. Si j'étais mon frère, j'aurais voulu tuer Haakon. Moi, je veux le regarder, le toucher, le... Non, je ne suis pas lui. Il ne serait pas sorti tout seul, il ne serait pas venu ici. Il n'aurait jamais parlé à un NOD. Est-ce que j'aurais du moi ? Je ne devrais même pas me poser la question. Je l'ai fait. Je ne le regrette pas du tout. J'espère n'avoir jamais à le regretter.
Je ne sais quoi répondre à sa question. Oui, nous sommes liés, je le sens, je ne sais pas comment, mais je le sens. Pour ce qui est d'être différent... Nous le sommes, à quelques détails près. Il est volubile, je suis muette. Il est ouvert aux autres, je suis enfermée en moi-même. Il veut tuer, je veux aider.

Il est tout ce que je ne suis et pas et tou...

Mes pensées cessent de tourbillonner dans ma tête. Je me fige, me demandant si j'ai bien entendu. Unique ? Unique pour lui ? C'est bien ça, c'est doux. Ça soulagerait presque. Je n'ai plus que sa phrase en tête, qui repasse en boucle. Je prends ça pour un compliment, ça ne peut être que ça. A mes yeux, ça n'est que ça. Unique. Unique c'est sans rien, sans Guillaume. Juste Gwenaël. C'est moi sans lui.
Plus de Guillaume, juste moi. Moi et Haakon, là, alors que la nuit est là, dans cet immeuble vide. Et c'est merveilleux. Coupés du monde.

Un sursaut, un frisson, un bon frisson, un de ceux que j'aimerais sentir plus souvent, me prennent. En même temps. Un instant, je ne respire plus. Il me touche, et j'oublie tout. Lentement, mon poing se desserre. Ma main tourne, sans rompre le contact, elle s'ouvre sur sa main que je fixe. Je prends mon temps. Je découvre. Sa main est un peu plus grande que la mienne. Tant qu'il sera là, je ne pense pas que j'aurais froid...
Je lève les yeux vers lui, les plongent dans les siens. Je ne sais plus parler, je sais juste rester là, ma main tout contre la sienne. Elle est si bien... Je suis si bien.

Elle ne lui avait pas répondu. Un silence à nouveau. Mais comme toujours avec elle, évocateur. Son regard perdu dans le vide, Haakon pouvait s'imaginer que toutes ses questions ne trouveraient pas de réponses toutes faites, comme on peut en avoir dans les livres de sciences, mais au contraire, en ayant chaque jour un peu plus de reconnaissance jusqu'à ce qu'elle dissipe toutes ses peurs.

Un premier pas avait été franchi dans ce sens là, quand elle décrispa son poing. Sa main ouverte trouva sans détour la place qui lui revenait contre celle du NOD. Paume contre paume. Leur doigts entremêlés, ils resserraient cette nouvelle étreinte. Il ne voulait plus qu'elle s'en aille, et pouvoir respirer ce parfum qui devenait une drogue pour lui à chaque secondes écoulées. Il aurait voulu que le temps se fige comme il sait si bien le faire. Mais habituellement c'est quand les choses sont désagréables que je-ne-sais-qui ralentit le temps jusqu'à ce que ça en devienne pesant et lourd. Haakon ferma les yeux pour que son temps, leur temps, ne s'accélère pas ! Il aimait être là en compagnie de Gwenaël. Main dans la main, oubliant tout ce qu'ils pouvaient être. N'étant plus que deux parmi une foule.

Et pourtant...

Il étaient bien plus. Ils représentaient chacun le parfait stéréotype du monde dans lequel ils vivaient. Elle, était une Insurgée; Une jeune fille qui avait vécu dans les bas-fonds de la région, avide de Liberté et d'Indépendance. Tentant de contourner l'Ordre établi par tous les moyens qu'elle avait à disposition. Lui, faisait parti de cet Ordre; Un gentil petit soldat formaté dès le berceau. Éduqué à mettre fin aux Espoirs de ceux qui vivaient comme des taupes, cachés dans la souillure et le désordre. Finalement de ce qui se passait dans cet immeuble n'aurait du avoir lieu !
Il était le chat et elle la souris.

Qu'allait-il advenir de cette relation naissante ? Probablement rien de bon. Haakon n'y pensa qu'un quart de seconde, juste avant d'ouvrir ses yeux et les plonger dans ceux de la jolie rebelle.
Si on apprenait qu'il voyait une Insurgée, son cas aurait été vite réglé.
En deux étapes : S'il avait été un NOD ordinaire, un parmi tant d'autres, il n'y aurait même pas eu de jugement. Pour avoir été en contact avec l'ennemi on le fusillerait sur le champs, sans qu'il ne puisse s'expliquer.
Si en revanche son pouvoir et ses compétences faisaient de lui un élément clé du service alors son conditionnement aurait été jugé défectueux. Et il suivrait le même chemin que celui des centaines d'orthodoxes qui poussent chaque jours les portes du laboratoire. Il serait implanté.

Mais pour le moment il ne laissait pas ces idées se frayer un chemin et éclorent. Il leva son bras gauche et du revers de la main il lui caressa la joue pour toucher sa peau parfumé. Il voulait profiter d'elle et pouvoir la sentir près de lui.

Je ne me rappelle plus très bien quand est-ce que j'ai comblé le petit vide que j'avais laissé entre nous quand je m'étais assise. Peut-être quand nos doigts se sont emmêlés. Ou alors quand il a touché ma joue de sa main. J'ai même pas eu peur qu'il me frappe avec sa main, c'était comme si je savais déjà qu'elle allait venir là, sur ma joue, et que ça me plairait. J'aimerais bien moi aussi toucher son visage, en suivre le contours du doigt. Mais il faudrait que je lâche sa main, ou que je démêle l'autre de sa veste. Alors je me contente de le regarder, et d'apprécier ses doigts emmêlés aux miens et sa main sur ma joue qui me caresse doucement.
Ça m'a toujours étonné ce genre de chose. Un homme, c'est censé être dur, pas doux. Une main d'homme, ça ne peut que broyer, surtout ses mains à lui, qui m'ont l'air si fortes, si grandes. Elles ont tenu fermement son flingue, puis la corde, et maintenant, elles sont si attentives, si douces. Les hommes sont pleins de paradoxes, et je me rends compte que j'aime ça.
J'ai un peu replié mes jambes, et je les laisse se poser sur les siennes. Je m'appuie sur lui, juste un peu. Suffisamment pour le sentir.

-Et toi, tu as un frère ou une sœur ?

D'où me vient ce besoin d'en savoir plus sur lui ?
J'ai jamais ressentit ça en bas. De toute façon, en bas, c'est toujours Guillaume qui parle, qui pose des questions, qui s'intéresse. Qui parle pour moi aussi. Mais ça m'ennuie pas trop, vu que la plupart du temps, il dit ce que je pense.
Et s'il apprenait pour Haakon ? S'il était en train de me chercher en ce moment même, et qu'il se retrouvait face à face avec Haakon ? Qu'est-ce que je ferais ? Je ne vois de toute façon pas comment il pourrait savoir que je suis ici. Personne ne m'a vu. Enfin, je l'espère. Et quand je reviendrais, comment je vais lui expliquer pour ma main, il voudra savoir aussi où j'ai trouvé cette veste. Et si je lui mens, il le verra. J'ai jamais su lui mentir.
Faut que je trouve un endroit, juste pour moi, j'y poserais tout ce que Haakon m'a donné. Ou tout ce que je ne lui ai pas rendu. Je ne sais pas trop comment on peut voir les choses. Et puis, pour ma main, je lui dirais que je me suis coupée. Ce n'est pas un mensonge. Juste une omission...

Pis ça le regarde pas. C'est à moi. Mon secret. Haakon est à moi. Personne ne saura.

Je le regarde, lui sourit. C'est un beau secret.

A l'extérieur du bâtiment on pouvait uniquement entendre les bourrasques de vent , qui sifflaient à travers les ruelles et accentuant l'impression qu'ils étaient seuls au monde. Elle s'était rapproché de lui. Tout près même. Elle s'était penchée sur lui délicatement, et écoutait le rythme rassurant de son cœur. Haakon ne bougeait pas, il aurait pu supporter tout son poids s'il avait fallu. Il sentit son souffle chaud sur lui à chaque expiration. C'était agréable. Il aimait qu'elle s'abandonne ainsi, c'était la seule qui lui donnait autant d'importance depuis bien longtemps.

Un frère ? Un sœur ?
Il ne se rappelait que par bribes de sa vie avant son entrée dans le Centre. Mais il se serait rappeler s'il avait eu un jour ce lien fraternel. Et s'il l'avait eu, il ne serait sans doute pas de la même nature que celui qui unissait Gwenaël et Guillaume. De plus les parents d'Haakon étaient trop centrés sur leur travail pour concevoir un deuxième enfant. Et puis six plus tard, la question ne se posa même plus, étant donné que son père se retrouva veuf...

En avait-il d'ailleurs besoin ?
Étant petit cela aurait pu être amusant d'avoir quelqu'un avec qui partager ses jeux. Quelqu'un d'autre que la nourrice qui se présentait chaque jour à la résidence des Smitt. Une vieille orthodoxe qui avait été embaucher par le père pour s'occuper de la maison et de l'enfant durant les absences du couple.

Es-ce que ses camarades du Centre où il avait grandit pouvaient être considérés comme tel ? Il ne le pensait pas une seule seconde. Le seul lien qui les reliait entre eux, était celui de concurrence. Toujours être le plus fort, ne pas montrer ses faiblesses, ni hésiter une moindre seconde, sous peine d'être la risée de tout le dortoir. D'ailleurs aucuns d'eux n'hésiteraient à l'abattre en ce moment précis. S'ils savaient qu'il se trouvait en compagnie d'une Interdite !

Il lui répondit le plus simplement possible. Comme il le faisait toujours quand on l'interrogeait sur un sujet dont il ne se souciait pas.


Non.

Je n'ai pas de frère, ni de sœur.
Je suis seul.

Seul...
Ce ne doit pas être marrant tous les jours. Je me demande comment je ferais, si j'étais seule. Sûrement que ça ferait bien longtemps que je ne serais plus là. C'est pour ça, pour ça que je dis rien à Guillaume, que je le laisse faire, même si parfois j'en peux plus et qu'il m'étouffe. Parce que je sais que c'est grâce à lui que je vis. Quand papa est mort, c'est lui qui trouvait à manger. Lui qui me réveillait en pleine nuit pour que l'on s'enfuit. Lui qui, parfois, me portait, quand mes jambes n'y arrivaient plus.
En fait, un frère c'est bien. Et parfois non.
Parfois, j'ai honte, mais je voudrais qu'il me laisse tranquille, qu'il me laisse vivre. Et parfois je ne voudrais rien d'autre que le laisser me guider, lui laisser les commandes.

Je crois que j'ai trop l'habitude en plus. Il est toujours avec moi, ou presque. Alors je ne peux pas savoir ce que ça fait, et je pense que je serais triste s'il n'était plus là. Vide.

Mais là, dans les bras de Haakon, je me dis que c'est quand je le quitterais que je me sentirais vide.

Il est seul.
Ni frère ni sœur, mais a-t-il quelqu'un, une femme peut-être ?
Peut-être que sa phrase inclue le fait qu'il n'ait personne non plus avec lui.
J'aimerais bien.

Mon pouce caresse sa main et, sans réfléchir, je m'entends lui dire :

-Non, tu n'es pas seul.

Je me sens rougir, à nouveau, gênée d'avoir sorti ça avec une telle simplicité. Et pourtant, c'est exactement ce que je voudrais. Qu'il ne se sente plus seul. Qu'il sache que je suis là. Même si je suis une insurgée. Même s'il va devoir retourner avec les autres NOD. Même si je ne le reverrais plus...

Je me mords les lèvres, les yeux fixés sur son épaule, n'osant plus le regarder.
Comment va-t-il réagir ?
Va-t-il approuver, ou me repousser ?
Je ne bouge plus, le souffle court...

Il sentit une vague de chaleur le submerger. Lui qui était vierge de toutes sensations agréables et douces, était envahit de toute part depuis cette fin d'après midi. Il esquissa un sourire et ferma les yeux pour comprendre les paroles de celle qui le caressait affectueusement.

Gwenaël avait raison.

A cet instant précis il pouvait compter sur elle.
Mis à part dans son travail, il n'avait jamais pu s'appuyer sur quelqu'un. Ne pas dépendre des autres, tel était un des moyens pour ne pas laisser s'installer le doute chez un NOD. Plusieurs avis étaient toujours source de conflits, et dans les moments de pression ceci pouvait coûter la vie.

Néanmoins, Haakon se sentait très bien à ses côtés.
Il sentait qu'il pouvait se confier à elle. Lui parler de tout et de rien qu'elle serait tout de même là pour l'écouter et le réconforter quand il n'irait pas bien.
Non il n'était plus seul.
Dorénavant il avait une épaule sur laquelle il pourrait, non pas s'endormir, mais s'éveiller. Reprendre vie petit à petit. Laisser germer ses idées qui trottaient déjà dans son esprit. Ses zones de lucidité que la machine à laver du Centre n'avait pas pu atteindre.

Merci...

Il lui répondit timidement. Aussi loin qu'il se rappelle, il n'avait jamais eu souvenir d'avoir un jour prononcer ce mot là. Rare était les personnes qui le méritaient.
Mais, Elle...

Quand il ouvrit les yeux, il l'a vit rougir à nouveau, cachant son regard dans le creux de son épaule. Une petite moue de compassion se dessina sur son visage. Il hésita un moment. Comment réagirait-elle s'il faisait le premier pas ?
Qu'importe, il le voulait.
Il souleva sa main et redressa sa tête en la tenant par le menton. Il la fixa un court instant.
Attendant qu'elle lève à nouveau ses yeux sur lui.
Hésita encore.
Et d'un geste encore maladroit, il s'avança vers elle et l'embrassa effleurant à peine ses lèvres.

Sa voix me fait me détendre un peu. Les notes de timidité qui en ressortent surtout.
Je sens son souffle sur ma joue, mais n'ose toujours pas lever les yeux vers lui. Si on me demandait mon âge à cet instant précis, je dirais l'âge du premier béguin. Quand on croit que c'est pour la vie, qu'on se sent très fort, et complètement pataud à la fois. Quand on veut se lancer, et qu'on a peur de tout faire rater.
De toute façon, j'ai jamais eu le béguin pour qui que se soit.
J'ai jamais eu envie de tout laisser tomber pour quelqu'un.
Jamais eu le cœur qui bat de plus belle en regardant un homme.
Pas de sourire au visage sans s'en rendre compte.
Aucune envie de toucher l'autre.
De tout savoir sur lui.
De le prendre dans mes bras et de ne plus le laisser partir.

Sauf avec Guillaume, mais lui, c'est pas pareil, c'est mon frère. C'est pas comme si ça comptait. Je sens bien quand je le regarde, quand je suis assise près de lui ou que je le touche qu'il me manque quelque chose. Mais j'ai beau chercher, je vois pas quoi.
Je voyais pas quoi.
Là, je sais.

Il manquait pas quelque chose, il manquait quelqu'un.
Il manquait lui, Haakon.

C'était vide avant sans lui en fait. Comment j'ai fait pour pas m'en rendre compte plus tôt ? Ou alors, c'est comme quand on a jamais connu une chose, on peut pas savoir qu'elle nous manque, puisqu'on la connait pas. Et maintenant que je le connais, je sens que je pourrais plus m'en passer.
C'est dangereux ça ?
Sûrement un peu.

Quand ses doigts prennent mon menton, je me sens toute molle. Plus aucune volonté. Rien. Juste celle de vouloir rester là encore longtemps. Pour toujours, ça serait bien. Je me demande si on pourrait. Qui vient ici de toute façon ?
Oui, ça serait bien. Notre monde à nous...

Comme attirés, mes yeux vont à la rencontre des siens. Je les aime bien ses yeux. Ils brillent. Est-ce qu'il le sait ?
Ils se rapprochent, me permettant d'en deviner les secrets.
Mais ?
Que fait-il ?
Pourquoi est-il si près ? Il va... ?

Si ça avait été un autre, je me serais reculée. Je me recule toujours, je ne veux pas qu'on m'embrasse. Mais là... Là, c'est doux, c'est timide, ça me fait frissonner. Je souris. Je suis heureuse.
Avec douceur, j'ose, je lui réponds. Mieux que des mots. J'ai peur de mal faire, mais tant pis, je me jette à l'eau et caresse ses lèvres des miennes. J'ai le cœur qui bat tellement vite, comme lorsque je cours. Et à côté de ça, la course, ça me parait bien terne...

Elle avait répondu à son baiser en toute simplicité. Ses lèvres douces et sucrées, déposaient sur la bouche d'Haakon un film dont il espérait ne jamais se défaire. Comme s'ils s'était cherchés depuis des années, et retrouvés dans cet immeuble après avoir prit chacun une route différente. Il profitait de ce moment de tendresse. Son premier depuis le décès de sa mère et son internement à l'académie des NOD.

Ils ressemblaient à deux jeunes écoliers se donnant rendez-vous sous le préau à l'abri de tous pour se déclarer leur flamme. Bien qu'il y avait quelques différences; La cour de récréation était un vieux chantier de bâtiments plus délabrés les uns que les autres, le préau était cet immeuble sans vitres, ni portes, et le plus voyant demeurait l'écart d'âge entre les jeunes enfants de primaire et les pré-adultes qu'ils étaient devenus.

Mais comment avaient-ils pu agir de la sorte ?
Le gouvernement menait une féroce campagne pour interdire tout élan sentimental depuis 2015. Le plaisir était prohibé et les hors-la-loi punis tel un fléau qu'il fallait éradiquer.
Haakon était l'un des outils de ce gouvernement. Conditionné pour chasser ses impurs, il n'avait autre but dans la vie que celui qui lui avait été ordonné par le Centre.

Qu'est-ce qui leur donnaient le droit de faire ça ?
C'est la première fois que le NOD mettait en doute les valeurs des siens, de ceux qui voulaient prendre le contrôle de tous êtres-humains, jusqu'à ce que ces derniers ne deviennent plus que larves sans identité, ni conscience. Juste des pantins qu'ils pourraient manipuler à leur guise !

Lorsque le baiser se termina il crut qu'on lui avait arraché un bout de son âme.
En avait-il déjà eue n'en serait-ce qu'une ?
Avec tous les meurtres sans pitié qu'il avait perpétré, on pouvait croire le contraire.
Il ouvrit les yeux et la regarda. Son cœur battait plus fort encore.
Résisterait-il à tant de pression ?
Un instant il ne pensa plus qu'à elle. Le moment parfait que l'on ne voulait plus stopper. Et pourtant il le fallait bien. Tout ceci était beaucoup trop...


Si seulement je pouvais fusionner
Mes souhaits à la réalité;
Malheureusement, leur présence
Ne me laisse aucune chance.

J'ai fait de mon mieux pour t'éviter,
Cependant ton parfum m'a fait sombrer;
Et la chose qui me fait peur à présent
Est le fait que plus rien ne soit comme avant.


Il s'écarta et vint reposer sa tête sur le mur froid. Le regard perdu dans le vide se demandant ce qu'il venait de se passer, il caressa son bras sans pourvoir se détacher d'elle.

Une douce langueur me saisit. Les yeux fermés, je profite des derniers instants de notre baiser. Comme il était doux... Je voudrais l'embrasser à nouveau, pouvoir le gouter encore, et plus. Je me sens si bien que j'ai l'impression de n'avoir plus aucun besoin, à par lui.
Je rouvre les yeux, le regarde. Encore et encore.
Comment vais-je faire quand il ne sera plus là ?

La question me serre le cœur. Je veux plus que sa caresse sur mon bras. J'ai besoin de plus. Alors je me blottis contre lui, la tête sur son épaule. Tout mon corps est en contact avec le sien. Je trouva ça normal, si simple.
Mais quelque chose vient me tarauder l'esprit. Il est un NOD. Il a été formé pour combattre ceux qui sont comme moi et qui ne respectent pas leur sacrosainte loi. Ce que nous faisons est sans aucun doute contraire à tout ce qu'on lui a appris. Qu'est-ce qui allait être le plus fort ? La loi, ou l'envie que, j'espère, il a de moi.

Je voudrais qu'il laisse tomber tout ça, et qu'il vienne avec moi. Je voudrais lui montrer qu'il y a une autre façon de vivre, même si elle n'est pas facile tous les jour. Je voudrais qu'il utilise ses armes pour libérer tous ces hommes et ces femmes qui ont un implant.
Mais je ne dirais rien. Je ne lui demanderais rien, parce que je sens bien que je n'en ai pas le droit. Comment pourrais-je lui demander de quitter la vie qu'il a toujours vécu et qui doit lui convenir, sans quoi il en aurait changé.

Alors, pour ne pas souffrir plus dans peu de temps, j'empêche tout rêve d'éclore en moi et qui pourrait ressembler de près ou de loin à l'espoir d'une vie avec Haakon. Nos chemins se sont croisés une fois, pourquoi ne le feraient-ils pas encore ?

Je me serre un peu plus encore contre lui, comme si je ne voulais plus que faire un avec lui.
Je ne comprends pas tout ce que je ressens, tout ce qui se passe ici. Et je ne sais encore moins se qu'il se passera après.

C'est comment la vie de NOD ? Peut-être qu'il a assez de liberté pour que l'on puisse se retrouver de temps en temps. Ce serait si bien.

-Je n'aimerais pas que tu m'oublies.

Oui, je n'aimerais pas. Mais, quand il sera avec les siens, comment pourrait-il encore penser à moi.
Pourrais-je être de celles qu'on oublie pas, même si tout est là pour faire en sorte que, petit à petit, l'oubli prenne place.

Comment pourrait-il l'oublier ?

C'était quelque chose d'impensable pour le NOD. Aussi naturellement qu'elle se colla contre lui, il n'avait jamais pensé à cette éventualité. Certes de part sa provenance tout contact entre eux serait ardu, mais il ne pourrait jamais effacer la marque qu'elle avait laissé en lui.

Il avait une de ses mains paume ouverte contre son dos qu'il caressait de bas en haut, et l'autre dans ses cheveux en bataille qu'il peignait de ses doigts. Il voulait la garder près de lui, la sentir et la rassurer également quand à sa demande.

Même si je le voulais, je ne le pourrais pas.

Il espérait que cette simple phrase apaise ses craintes. Qu'elle comprenne qu'elle avait réussi à toucher quelque chose en lui, et qu'à partir d'aujourd'hui il ne se passerait plus un instant sans qu'elle ne soit présente dans son esprit.

Au dehors la lumière des lampadaires était maintenant assez forte, pour éclairer légèrement l'étage ou ils se trouvaient.
Il respirait son odeur et s'imaginait ailleurs.
L'endroit n'était jamais le même, tantôt au sommet d'une colline, ou autour d'un lac. Ce qui ne changeait pas c'était la présence de la jeune rebelle à ses côtés. Où qu'il soit elle se trouvait avec lui.
Bien sur tout ceci serait très loin d'être réalisable. Mais rien n'était impossible pour un NOD, mis à part peut-être de ressentir ce qu'Haakon éprouvait pour Gwenaël.

Il ne savait pas encore comment ils s'y prendraient pour se voir. Si tant est qu'elle le veuille une fois qu'ils seraient sorti de cet immeuble. Mais il trouverait une solution. Des ordres de missions falsifiés, des fausses traques interminables. Et plus facile encore, les jours de repos auxquels il avait le droit.

J'aimerais d'ailleurs te revoir...

Il prononça ses mots avant de laisser glisser une main de sa joue jusqu'à hauteur de son cou.
Est-ce qu'elle partagerait son envie ?
Il pouvait sentir les veines de sa nuque gonfler sous ses doigts. Elle avait la peau chaude malgré le froid du couloir.
Tout comme lui.

Alors c'était vrai...

Mes questions s'envolent, ne reste plus qu'une douce certitude.
Il ne m'oubliera pas.

Je souris, heureuse de l'entendre dire ça. Ses mains m'apaisent, me font du bien. Mais je ne peux m'empêcher de me demander si, même s'il dit qu'il ne m'oubliera pas, il voudra me revoir. C'est important ça aussi. Enfin, à mes yeux tout du moins.
Parce que maintenant que j'y ai gouté, je veux plus. Pas juste ce soir, pas juste ce baiser. D'autres nuits, d'autres caresses. Entendre encore sa voix, me parler de tout et de rien, juste parce que c'est lui qui parlerait, et que ça m'intéresse.

Sans que je puisse m'en empêcher, et alors que, il y a encore quelques instants, je barricadais mon cœur pour ne pas rêver, je me laisse aller, et j'imagine. Ça ne devrait pas être trop difficile de sortir des bas-fonds. Guillaume est toujours en train de préparer avec certains insurgés des coups contre les puissants. Je n'aurais qu'à ne plus aller avec lui. Il ne comprendra pas, mais je m'en moque. C'est Haakon qui compte. Pas que mon frère comprenne. Lui, il a trouvé quoi faire de sa vie, il ne peut pas m'obliger à le suivre partout, moi aussi j'ai le droit de savoir quoi faire, d'avoir des envies.
C'est comme pour la danse, je ne lui demanderais pas son avis. Je ferais comme je le sens. Et là, je sens bien que c'est ici que je dois être. Tant pis si ça ne plait pas à tout le monde. Moi ça me plait. Il faut que ça plaise à Haakon aussi.

Je relève la tête, et le fixe un instant sans rien dire. A-t-il deviné le cours de mes pensées ou suivons-nous le même ?
Lentement, je démêle ma main droite de sa veste, et la pose sur celle qu'il a mis dans mon cou. J'ai encore un peu mal, mais il n'a pas menti, j'ai bien fait de lui faire confiance. Je serre un peu sa main, et lui sourit.

-Quand tu veux.
Je viendrais, je veux te revoir aussi.

Je m'approche de son visage, et pose mes lèvres sur sa joue puis glisse vers sa bouche.
Je ne sais pas comment nous pourrons faire, comment nous pourrons nous contacter, pour savoir quand, où nous retrouver, et ce n'est sûrement qu'un des nombreux défis qui nous attendent, mais je suis prête à aller où il veut.

Cette force invisible qui relie les deux ennemis, s'intensifie un peu plus à chacune de leur promesses.
Un autre baiser qu'elle lui vole pour une autre caresse qu'il lui fait. Il passe un bras autour de sa taille et la soulève pour l'assoir sur ses cuisses. Une autre caresse, un autre baiser. L'aiguille de l'horloge s'est arrêtée pour les amants interdits. Il était suspendu dans le temps, prit au piège dans cette tour de béton gris... pour le moment.

Il ne savait pas d'où elle venait mais cela ne posait pas de problèmes. Ils se verraient en lieu neutre; pas de NOD et pas d'Insurgés.
Uniquement elle et lui, comme en ce moment. Il y avait bien d'autres endroits à Novlangue pour ne pas être vu et en tant que policier il connaissait sur le bout des doigts les tours de rondes des patrouilles. Ils pourraient même revenir par ici. Le chantier était à l'abandon et ce quartier avait déjà été fouillé.

Il passa ses bras autour de sa taille et la ramena contre lui. Le visage contre sa nuque il emmagasinait des forces. Comme le soleil rechargeait les cellules photovoltaïques des panneaux sur les toits des maisons, le parfum qu'elle dégageait remplissait Haakon d'une énergie indispensable pour son équilibre.
Avant aujourd'hui, il sentait qu'une part au fond de lui restait inconsciente. Et c'est à ses côtés qu'il développa cette essence. Il devenait un autre, capable de ressentir des émotions qui lui était prohibées jusqu'alors.

Quand la séparation sera trop forte, nous saurons nous retrouver.
D'ailleurs j'ai une chose pour toi.

Il avait espoir en ce qu'il disait. Rien, ni personne, ne pourrait l'empêcher d'être avec elle. Il fouilla dans une des poches de sa ceinture et sortit le petit boitier noir. Il l'ouvra en deux et coupa un fil bleu. Celui qui envoyait le signal général au Centre. A présent seul le récepteur personnel d'Haakon qui se trouvait dans son casier serait averti. Il le montra ensuite à Gwenaël en lui expliquant de quoi il s'agissait. Puis lui donna pour qu'elle le prenne avec elle quand ils sortiraient d'ici.

Caches-le bien. Et quand tu voudras me voir appuie sur le bouton rouge.
Et je saurais où tu es.

Il affichait un large sourire, content d'avoir penser à cette astuce et la serra une nouvelle fois contre son torse. Maintenant elle pourrait être n'importe où, il était capable de la retrouver.

Mon cœur bat, aussi fort que ses premiers coups de feu ai-je l'impression. Il m'a prit mon rêve, en trois coups de feu. Ça me semble si simple. Est-ce que ça l'est vraiment ? Je rêvais si fort. J'aimerais y retourner. Mais avec lui.
Fait moi rêver Haakon, c'est si bon de rêver, de s'évader. D'oublier que, quelque part, ce qu'on fait est interdit.

Est-ce qu'il sait que j'avais envie de venir, comme ça, sur lui, à califourchon, pour le regarder, le toucher, le sentir ? Je repousse sa veste, qui tombe au sol, pour être plus près de lui. Une de mes mains glisse sur son cou, que je caresse du bout des doigts.
Son souffle chaud sur ma nuque, sa peau sous mes doigts, son visage sous mes paupières... Il est partout. Mes doigts se glissent dans ses cheveux noirs, s'y perdent. J'ai l'impression d'être dans ses bras depuis des heures. Tous mes gestes me semblent ralentis, comme pour mieux en apprécier la nouveauté, ces sensations interdites. Pourquoi interdire ce que la nature nous offre ? Pourquoi interdire le plaisir ? A cet instant, il m'apaise, je n'ai plus peur de rien, juste de le perdre. Je me sens en sécurité. Pour la première fois depuis que je suis en age de me souvenir.

Quand il parle, il me semble que ce ne sont plus mes oreilles qui entendent, mais tout mon corps, secoué par un léger frisson. Son souffle court sur ma peau comme mes doigts sur la sienne.
Quelque chose pour moi ? Encore ?
Je n'ai rien pour lui moi...

Je m'écarte un peu, le regarde faire. Encore quelque chose que je ne connais pas, après sa pilule marron. Mais cette fois-ci je le prends sans hésiter une seconde. Serrant ma main contre ma poitrine, je me laisse aller une nouvelle fois contre lui, tout sourire. Il doit lire en moi. Je ne vois que ça. Je venais juste de penser que nous n'avions pas de moyen de nous contacter, et il m'en montre un. Magicien qui met des étoiles dans mes yeux avec ses tours de passe-passe.

-Merci.
J'y ferais attention...

Je trouverais où le cacher, pour que personne ne le trouve.
Comme ça, je ne serais jamais perdue. Jamais seule. Il sera toujours là, quelque part. Peu importe que je ne sache pas où, lui saura me trouver. C'est tout ce qui compte. Que l'on ne se perde pas...

Il lui sourit pour seule réponse et embrassa sa main blessée qui cicatrisait déjà sous l'effet de la pilule marron.
Enlacé contre elle, il ne craignait plus rien.
Il promenait ses mains tout le long de son dos devinant sa peau à travers le fin tissu de la robe. Il aimait faire courir ses doigts sur elle, pour l'apprendre.
Il se contentait d'admirer son visage, et dessiner ses traits l'un après l'autre du bout des lèvres. Le contour de ses yeux intenses, le creux de ses fossettes, la délicatesse de sa bouche.
Chacune des caresses éveillaient en lui une sensation étrange, un mélange d'anxiété et d'apaisement.
Il ne pensait plus à rien.
Même pas aux NOD qui le rechercheraient s'il ratait le couvre-feu instauré par le Centre à ses ouailles, ni même au fait que le frère de Gwenaël finisse par se mettre à sa recherche également, surtout avec la nuit qui était devenue noire.

Entre leur baiser il lui racontait un peu de sa vie. Son enfance avec sa mère, la perte de cette dernière et son entrée au Centre de conditionnent.
Il n'osait pas lui raconter ses journées de traques, les rafles et exécutions.
A la place il lui confiait qu'il lui arrivait le soir de s'allonger sur l'herbe après une dure journée, de regarder le ciel rempli d'étoiles et se demander s'il existait ailleurs d'autres vies autres que les leurs.
Elle l'écoutait toujours attentivement, buvant ses paroles comme une vérité absolue. Il en faisait de même et parsemait de baisers la peau douce de son cou.

Haakon ne comprenait pas ces pulsions, l'envie qu'il avait d'elle, de lui appartenir.
Il avait de la peine à respirer à présent.
Il frissonnait à chaque fois qu'elle passait ses mains entres les épis de sa chevelure. Inconsciemment elle appuyait son visage contre elle pour ne plus le perdre.
Il lui répondit en glissant lentement ses mains au creux de ses reins et la ramenant un peu plus contre lui.
Il laissait ensuite ses doigts parcourir les courbes de ses cuisses en redescendant jusqu'aux genoux et lentement, remonter en passant ses paumes sous le tissu et sentir la chaleur qu'elle dégageait.
Il la voulait pour lui.

J'aime bien ce mélange, parole et caresse. Douceur et confidence. Qu'écrivent tes mains sur moi ? Je n'ai jamais lu ce langage jusqu'à aujourd'hui. Personne n'avait l'encre qu'il fallait, même celle de mon frère coulait sur moi sans s'accrocher, caresse précise, rassurante, gênante. Là, c'est doux, sensible, ça fait vibrer, ça fait oublier.
Je suis torturée, je voudrais que ses mains soient partout. Ma peau le demande. Il apaise quelques instants un endroit, court ailleurs, comme s'il savait le besoin que j'ai de ses doigts.
Mes yeux se ferment, et pourtant, le voient toujours. Je savoure ses lèvres sur mon visage. Mes doigts hésitent, se lancent. Timides, ils prennent leur marque, passe sur la pomme d'Adam, dérivent, comme un bateau sur la mer, épousent les contours, les bosses...

Sa voix m'entoure. J'aime cette simplicité qui s'installe, cette confiance... Je me noie dans ses caresses et ses paroles. Il est mon seul point d'attache à présent. Oublié Guillaume, les autres insurgés. Ne reste que lui auquel je m'accroche, pour ne pas dériver loin...

J'aime savoir ces choses sur lui, sur sa vie, et le lui dit, un sourire dans les yeux. Un moment, je suis triste pour sa mère, pense à la mienne. Et lui dit qu'elle nous a mis au monde peu de temps avant une rafle. Que mon père s'en est toujours voulu de ne pas avoir pu sauver aussi sa femme, son amour. Et que c'était comme si la vie le quittait peu à peu.

Je me demande si moi aussi, je vivrais ce que mon père et ma mère vivait, avant tout ça. Il nous racontait sa vie parfois, il n'était plus notre père, mais le jeune poète dont ma mère était tombée amoureuse. Ça me donnait envie...

Est-ce que je ne respire plus que par ses baisers ? Un baiser dans le cou, mon pouls s'accélère. Un autre, et mon cœur fait un bon. Encore et encore, ma respiration devient désordonnée.
Je crois que je ne sais plus faire, je cherche l'air, ne le trouve nul part. J'ai peur, mais pas de ne plus respirer, juste qu'il me lâche. Ma bouche trouve la sienne. L'air est là. Je m'apaise.

Ne pars pas. Ne me laisse pas. Je t'en pris.

J'ai murmuré ces mots sur sa bouche. Mes mains l'accrochent, je ne veux pas qu'il parte.
Laissez le moi.

Je voudrais être plus près encore de lui. Je ne sais pas si c'est possible, je sens juste au fond de moi un besoin qui brûle d'être assouvie. Et quand ses mains touchent la peau de mes jambes, je tremble, je le serre encore. Continue. Si tu t'arrêtes je crois que j'en mourais.

Elle était douce et habile avec ses doigts. Il sentait naitre les frissons à chaque fois qu'elle caressait sa peau. Comme un fruit qu'il ne fallait pas abimer mais dont elle ne pouvait pas se passer, elle le cherchait toujours un peu plus. Haakon se laissait amadouer sans même résister. Dans son ventre, une chaleur commençait à se répandre. Une sensation inconnue mais qui ne lui déplaisait pas. C'était surement ça qu'ils appelaient le Plaisir.

En tant que NOD il avait déjà patrouillé dans ses endroits à la limite du convenable, où de jeunes femmes appelées Valkyries offraient à ceux qui en payaient le prix des séances de Plaisir. On avait dit à Haakon de les surveiller de très près et de faire attention à elles. Elles usaient d'un comportement si aguicheur parfois que les hommes ou les femmes ne résistaient pas longtemps. Souvent en petites tenues, elles cherchaient à faire envie. Chose pour la plupart des clients de ces bars se damneraient à la moindre occasion.

Ce portrait était très loin de correspondre à sa, Gwenaël.
Elle ne portait pas d'habits luxuriants, simplement cette longue robe tachée par endroit. Elle avait toujours été timide malgré son air revêche, mais bien loin d'être la grande provocatrice que l'on pouvait apercevoir dans les bars.
Et pourtant...
Quand elle se trouvait avec lui, tout ce qu'elle représentait suffisait pour lui faire perdre le sens de la réalité. Ses yeux brillants qui se posaient sur lui avec tendresse, ses mains chaleureuses qui le découvraient, son parfum qu'il aimait par dessus tout, le transportait bien au-delà de ce qu'il pouvait imaginer ressentir un jour.

"Ne pars pas. Ne me laisse pas. Je t'en pris."

D'une voix plus douce encore qu'à l'accoutumée. Son souffle chaud transportait les mots qui venaient fondre sur les lèvres du NOD. Un frisson, encore un, lui parcourait l'échine suivit d'une nouvelle vague de chaleur.
Il frôlait sa bouche de la sienne, respirant à travers elle.
Remontant une main le long de sa cuisse découverte, il épousait à présent sa hanche. Il bomba le torse qui vint appuyer contre sa poitrine et pencha la tête près de son oreille. Tout en l'embrassant et jouant avec son lobe, il lui susurra sa réponse.
Entre deux souffles courts.
Juste pour elle.

Je te le promets, ma Gwenaël.

Mon corps s'immobilise, mes mains serrées sur ses habits ne bougent plus, seule ma poitrine se soulève au rythme de ma respiration.
Ça devrait pas me faire ça.
Pas pour si peu.
Je vois pas pourquoi je réagit comme ça, c'est pas comme si c'était vraiment important.

Lentement, mes mains reprennent leurs caresses, mais mon esprit reste concentré sur ce qu'il a dit. C'est pas grand chose, juste un petit pronom possessif.
Mon, ton son, ma ta sa, nos, vos, leur...
A l'école de la clandestinité, on apprend les choses comme on peut. Notre meilleur professeur, à Guilhem et moi, ça toujours été notre père. La langue française, on doit savoir la parler sur le bout des doigts, mettre la respiration où il faut, la voix qui tombe pour le point, faire les liaisons... Pas avec les H. Il a jamais voulu pour les H. Et la lire aussi on doit savoir. Et l'écrire surtout. L'écrire. Parce que, c'est pas parce qu'on est des insurgés qu'on doit oublier qui on est, au fond de nous.
"On est français bordel de dieu ! Et ça, ils pourront pas nous le prendre."
Alors, les pronoms possessifs, je connais.

Et pourtant, j'ai beau les connaitre, ça me fait un petit truc bizarre. Je sais, c'est stupide. Mais c'est comme ça, c'est pas ma faute. Un peu trop sensible surtout. C'est qu'un mot. Mais moi, les mots, j'y attache de l'importance, c'est important les mots, ça veut dire quelque chose, ça fait ressentir des chose. Ça exprime ce qu'on ressens. C'est vivant.
C'est pas une excuse, je sais. Et puis, pourquoi je me cherche une excuse ? J'ai le droit d'être heureuse. On peut pas m'en empêcher.

Alors, un sourire timide au visage, je le regarde. Ma main vient caresser sa joue, mon pouce passe sur ses lèvres.

Je suis à toi oui...
Toujours.

Même quand il sera parti, je serais à lui.

Mon autre main glisse sous son t-shirt, parce que c'est encore plus chaud ici, et que j'ai besoin de chaleur, parce qu'elle est attirée, sans pouvoir rien faire. Elle découvre un chemin, tandis que mes yeux se perdent dans les siens.

"A toi..."

Aussi loin qu'il puisse se souvenir, il n'avait jamais rien eu à lui. Tout était la propriété du Centre. Des vêtements avec lesquels il s'habillait chaque matin, au logement dont il profitait, de la nourriture qu'il mangeait, même les armes, qui lui avait pourtant été données dès son admission.
Rien de ce qu'il touchait ou utilisait, ne lui appartenait. La possession était considéré comme le début de l'attachement à toute chose, quelle qu'elle soit.
Il inspira profondément et l'embrassa pour sceller cette promesse.

Sa main douce se glisse sous le tissu gris de son t-shirt. Sans être froide, la température qu'elle dégage contraste avec le feu qui embrasait son ventre. Personne ne l'avait jamais touché de cette manière, ni à cet endroit. Où allait-elle encore s'aventurer ? Elle avait surement plus d'expérience et saurait trouver son chemin à travers le corps de l'homme pour satisfaire leurs envies.

La main toujours sur sa hanche remonta le long de son dos en suivant les contours de sa taille. Il caressa sa nuque et plongea les doigts dans sa longue chevelure pour faire basculer sa tête en arrière. A partir de là, il déposa de tous petits baisers sur sa joue, puis le long de son cou finement dessiné.
Il s'arrêta là, un instant.

L'autre main plaquée contre son dos, il la soutenait. La respiration haletante du NOD venait mourir contre sa peau. Il avait de plus en plus soif.
De sa peau, de son être...
Puis il redescendit plus bas encore, vers sa poitrine.

Jusqu'à la limite que lui imposait le décolleté de la robe, il l'embrassait laissant ses lèvres parcourir ce qu'elle avait à lui offrir. Il ponctuait chacun des baisers par un petit lapement de langue pour venir gouter l'arôme sucré de sa peau.
C'était une friandise.
Interdite par ceux qui représentaient l'Autorité malveillante. Mais qui une fois découverte laisse une sensation indélébile pour celui qui la savoure.
Haakon était incapable de s'en défaire.
Elle était à lui, d'après les propres mots qu'elle avait utilisée, et il espérait que personne ne puisse la lui arracher des bras.
Sans quoi il risquerait de perdre tout discernement.

Ma main remonte lentement le long de sa colonne vertébrale, s'égare, revient en arrière, dessine des choses connues d'elle seule. Avec envie, l'autre commence à se balader à son tour, à même la peau du torse. C'est doux. C'est dur. C'est nouveau.
Je le laisse me guider, suis ses mouvements, essaie de les anticiper. Un instant passive, je ne sais plus quoi faire. Je le suis du regard, perdue. Ma respiration parvient à mes oreilles, désordonnée, rapide. Trop rapide. Que fait-il ? Me voilà rougissante à nouveau. Je me voudrais protégée de la tête au pied par ma robe, au ras du cou, jusqu'aux chevilles pour qu'il ne me touche plus, et je voudrais ne plus rien avoir sur moi, juste pour voir si ses baisers, sa langue... me font le même effet partout, où si c'est juste parce qu'il la passe ici, à cet endroit. Raison contre passion.
J'hésite. Une voix vient me crier que ce que je fais est mal. Sûrement oui. Et il y a pleins de raisons qui font que ce qu'il se passe ici est mal. C'est un NOD, je suis une insurgée. Il doit me tuer ou m'ôter toute envie. Moi je dois le fuir, ou le piéger, ou le tuer pour qu'il ne puisse nuire à personne. Le tuer ? ...

Continue Haakon. Fait moi oublier toutes ces pensées qui m'immobilisent. Ce devraient être tes caresses qui devraient s'imprimer en moi, pas le fait que nous soyons censé être ennemis. Qui a décidé ça ? Pas moi. Je ne veux pas être ton ennemie. Jamais.
Ils vont se faire foutre tout ceux qui disent le contraire, et qui voudraient que je pense comme eux.

Je suis à toi. Je te l'ai dit. Ya que ça qui compte. Pas besoin de penser aux autres. Juste à moi et à toi. C'est suffisant.

Je veux l'embrasser, et je veux qu'il continue de poser ses lèvres sur mon corps. Je veux sa langue dans ma bouche, sur ma peau. Partout. Je le veux.
Je ne sais pas ce que je dois faire.
Je sais juste que je ne veux plus avoir que lui dans mes pensées.

Sans réfléchir, une de mes mains le quitte, se pose sur la sienne dans mon dos et la guide vers la fermeture. Je ne fais rien d'autre, et déjà ma main s'envole à nouveau sur son corps.
J'ai besoin... J'ai besoin de lui. Je ne sais pas. De lui, oui, de lui. De lui, entièrement. Tout ce qu'il peut me donner. Je prendrais tout. Et je lui donnerais tout ce qu'il voudra.
Je suis désorientée.
Besoin de quoi ?
De lui. De... Je ne sais quoi qu'il a. J'en suis sûre. Même si je ne peux pas mettre de mot là-dessus. Et j'enrage. J'enrage de ne pas savoir comment on dit, comment on fait, comment...
Je le veux lui, pour toujours.
Et si on me le prend, je ne me laisserais pas faire. Pas cette fois-ci.

Il prend entre son pouce et son index le bout de plastique vers lequel elle l'a guidée.
Une légère pression vers le bas, et il entame une descente interminable. Juste quelques centimètres pour commencer. La fermeture n'oppose aucune résistance. Il la dévore du regard avant de reposer une fois de plus sa bouche entrouverte contre la sienne.
Sa langue s'immisce à l'intérieur, cherche le contact de l'autre, se frotte contre les rangées de dents, tourne sans cesse.
La main qui glisse le long du dos de la jeune femme est maintenant à mi-parcours. Il relâche le guide le temps d'une caresse sur ses omoplates.
Il remonte le long du cou et revient immédiatement saisir le bout de plastique pour continuer sa course.
Bientôt cette barrière de tissu ne serait plus.

Tout comme cette liaison improbable et défendue.
Encore un interdit qui s'envole en fumée.
Ceux qui établissent les règles croient si fort à l'emprise qu'ils ont sur les autres, qu'ils en oublient parfois l'instinct. Ses pulsions enfouies à l'intérieur de chacun. Qui régissent la vie et deviennent incontrôlable. Oui, ils n'avaient pas le droit ! Et c'était surement ce refus qui leur étaient imposé qui les tentaient si fort... La présence de l'autre. Le moindre petit détail finit par déclencher les envies les plus folles.
Aucune raison. Uniquement de la passion et le besoin d'assouvir un désir qui le prend aux tripes quand il l'aperçoit. Un fourmillement interrompu. Cette chaleur qui monte crescendo en bas de son ventre. Même avec toutes les interdictions du monde, rien ne pourrait empêcher les choses de se passer.

Il abandonne ses lèvres pour descendre le long de son cou. Sa langue dessine sur sa peau un chemin qui le mène contre son épaule droite. De sa main libre il saisit la bretelle et la fait tomber lentement le long du bras de sa compagne.
Il n'en reste plus qu'un pour...
L'autre main a terminée sa route. Il lâche définitivement le bout de plastique et plonge dans l'ouverture béante qu'il vient de laisser. Partant du creux de ses reins jusqu'à son épaule, il redécouvre les formes qu'il avait caressé à travers le tissu. Il se redresse et fixe ses yeux noirs, avant de libérer la seconde bretelle qui tombe exactement comme la précédente.

Un instant, il ne respire plus.
Perdu entre la profondeur de son regard et les griffures qu'elle dessine sur son torse. Il ne réalise pas que la robe venait de tomber sur les hanches de Gwenaël. Il pose ses mains de part et autre de sa taille, et continue de la fixer. Ce sont ses doigts, les premiers, qui voient le corps nu qui se trouve devant lui. Touchant chaque parcelle de peau il remonte tout doucement vers sa poitrine. Sa respiration devient difficile. Le fourmillement de son bas ventre se transforme en tremblement de terre qu'il essaie de taire bougeant son bassin. Ses mains se retrouvent maintenant au niveau de ses seins. Sans pour autant les empalmer, il en dessine les contours. Les devine au toucher.
Puis ses doigts redescendent vers son ventre.
Il détache son regard et l'observe pour la première fois. Son coeur est à la limite d'exploser. Le sang afflue dans ses veines comme dans un torrent, si bien qu'il ressent une pression forte entre ses cuisses venir appuyer contre son jean. Qu'est-ce que... Il la regarde et rougit, avant de se pencher pour embrasser son nombril, en appuyant longuement ses lèvres sur sa peau.

C'est moi qui l'ai voulut, et, pourtant, je voudrais remonter le tissus, ou cacher ma poitrine de mon bras. Me cacher toute entière, me soustraire à son regard. Ou continuer à n'y lire que du désir, et rien d'autre. Un instant, j'hésite, la peur arrive, sournoise, prête à sortir. J'ai jamais vraiment voulut plaire à qui que se soit jusque là. Alors, j'ai un peu peur, peur que tout change parce que je ne suis pas assez bien, ou qu'il ne s'attende à autre chose.
Ses mains me font tressaillir.
Ne regarde pas, pas tout de suite... Laisse moi m'habituer, s'il-te-plait.
Je devrais pas appréhender comme ça, mais j'y arrive pas. J'essaie de me calmer, mais, ça non plus j'y arrive pas.

Et puis, finalement, c'est lui qui, lentement, me calme. Ses yeux plantés dans les miens, avec ce désir que j'y lis, ses mains, ses doigts, qui caressent, effleurent... Je me détends, me décrispe, même si ma respiration s'envole encore. Avec un brin de timidité, je me cambre, lui tendant ma poitrine, pour qu'il la caresse encore. Mais déjà ses mains la quittent. Elles me manquent...

Ses yeux me quittent aussi.
Non ! Attend !
Je ferme les miens.
Ma respiration se bloque.

J'étais bien moi quand tu regardais juste mes yeux...
Je sens que je me crispe à nouveau.
Et puis, un soupir, qui s'échappe de mes lèvres, de soulagement. Mes yeux se rouvrent, ma main se pose dans ses cheveux.
Mon ventre se tord, mais c'est plus de la peur, c'est de l'envie. Du désir.
Je serre mes cuisses contre les siennes, et passe une main dans son dos, relevant son t-shirt sur son passage.
J'ai envie de lui dire qu'il est trop habillé.
J'ai envie de rire aussi, je sais pas trop pourquoi.
Et puis, surtout, surtout, j'ai envie de ses mains encore, de sa bouche encore.
De peut-être plus.
De lui.

Haakon...

Elle est belle. Encore plus que lorsqu'elle portait cette robe devenue terne. C'est ce qu'il pensait en même temps qu'il embrassait le creux de son ventre. Sa peau était chaude, frissonnait sous les lèvres intrépides qui la parcouraient.
Puis il se redressa lentement, passant entre ses seins pour revenir sur ce cou, ces lèvres qu'il avait laissé trop vite.
Un autre baiser langoureux.
Il l'entourait de ses bras protecteur. Les paumes plaquées dans son dos.
La serrait contre lui.
Encore.

Mais se détacha une nouvelle fois !
Il se recula, la regardant avec insistance puis saisit le bas de son t-shirt pour l'enlever et laisser ainsi son torse à la merci de ses yeux, ses mains, et ses lèvres...
Il tremblait, ses muscles restaient un moment tétanisés, avant qu'il ne s'avance à nouveau contre elle et vienne chercher la chaleur au contact de son corps.

Coller tout contre sa peau, il ne réchauffait pas uniquement son corps, mais son esprit par la même occasion. Une sensation de bien-être le traversa tandis qu'il effleurait sa poitrine, embrassait sa nuque, une main coiffant sa longue chevelure.
C'était pour le moment amplement suffisant.
La savoir avec lui. Partageant la même envie. Loin des interdits, et des batailles qui se préparaient au dehors.

Des caresses. Un peu partout.
Elle ne devait pas s'arrêter.
Ils ne savaient pas quand est-ce qu'ils se reverraient, ni si quelqu'un interromprait leur solitude.
En profiter, chaque secondes.
Ses lèvres douces se poser sur son torse. Sa langue rouler sur sa peau. Les frissons qu'elle lui provoquerait de plus en plus, jusqu'à ce que son désir atteigne son paroxysme.
Elle saura faire tout ça, et plus encore.

Je suis là...

C'est comme s'il se jouait un autre jeu du chat et de la souris.
Il m'attrape, me tient contre lui.
Me mange.

Puis s'esquive, s'éloigne, comme si c'était moi le chat maintenant.
Et il me nargue, m'appelle sans dire un mot, juste avec ses yeux. Je lui répond, mes yeux se perdent, se font voyeurs. Comme il est beau...
Le revoilà devenu chat.
Je ne sais lequel des deux je préfère.
Tout contre moi, sa peau contre la mienne, ma poitrine frottant contre son torse au rythme de mes halètements.
Je vibre.

Mais je veux être chat et souris à mon tour. Je veux le gouter, le laper comme un chat devant du lait. Il sera mon lait. Mon homme. Mon Haakon.
Mes lèvres prennent les siennes, d'abord doucement. Mais j'ai faim. Faim de lui. Alors je me colle plus encore, mes lèvres se font plus demandeuses, mes mains plus conquérantes. Elles glissent, elles palpent. Elles dansent sur sa peau, doucement, effleurent, doux prémisse. Elles promettent, se font plus présentes.
Ma bouche a quitté ses lèvres, part à son tour à l'aventure. Passe sur la pommette. Suit la mâchoire, tombe dans le cou. Laissent place aux dents, qui mordillent doucement, comme elles le feraient d'un fruit tendre.
Mais déjà les lèvres partent ailleurs, vers l'épaule qui à l'air si tendre, si soyeuse. Qui ne semble attendre que ça.
Un baiser.
La langue qui darde entre les lèvres.
Qui se pose sur la peau, qui recule précipitamment, Comme devant un danger.
Et qui revient. Pour mieux gouter.

Je m'écarte un peu, laisse mes yeux et mes mains se poser sur son torse. Mes mains s'immobilisent, se laissent imprégner par sa chaleur.
Le pouce bouge, passe et repasse au même endroit, puis mes lèvres se posent à cet endroit, en prennent possession.
Son torse est comme les portes des châteaux, haut, fort. Et mes lèvres l'assaillent comme le ferait un bélier. Encore et encore, simple caresse, ou bien alors la langue prend le relais, le nez hume son odeur. Mon esprit est rempli de toutes ces choses que je découvre.
Et je suis heureuse, heureuse qu'il me laisse le découvrir à mon rythme.
J'aime le gout de sa peau sous ma langue, sa texture...
Je ne sais si je me lasserais de le gouter...

C'est maintenant elle qui s'approche...
Oubliant sa nudité, elle fond totalement sur lui.
Il ferme les yeux et se laisse aller entre ses bras aventuriers.
Ses doigts, sa bouche, sa langue, courent sur lui à une vitesse folle. Comme si l'était sous l'emprise de plusieurs femmes à la fois.
Mais ce n'était qu'elle. La seule et l'unique. Celle a qui il avait offert son cœur et son corps.

Il essayait de retenir ses baisers quand il sentait ses lèvres sur les siennes, mais il était déjà trop tard. Il les retrouvait ailleurs, courant le grain de sa peau. Elle lui faisait perdre la tête, plus qu'il ne l'imaginait. Avec fermeté il appliqua ses mains sous sa poitrine. La forme de celle-ci en harmonie avec le reste de la silhouette reposait dans ses paumes. Seuls les pouces passaient timidement par dessus les bosses et décrivaient de petits cercles autour des auréoles dessinées en leur sommet.
C'est le seul repère qu'il pouvait avoir pour ne pas se perdre de... plaisir.

Il s'élança lui aussi à l'assaut des plis encore inexplorées qu'elle lui offrait à présent. Déplaçant une main entre ses deux seins, il suivit le chemin marqué, descendant plus au sud, où la chaleur faisait perler la peau satinée de sa belle.
Il faisait glisser ses doigts.
A peine, juste ce qu'il fallait pour qu'elle en tremble de désir.
Rencontrant ses lèvres pour la énième fois il l'embrassa, il guida leur langue dans un ballet sans fin tout en la plaquant vigoureusement contre lui.
Il ne respirait plus.

Sursautant à chaque petites morsures qu'elle lui infligeait.
A la fois, douloureuses et agréables.
Il était devenu le pion principal du jeu qu'elle avait choisit d'apprendre. Sous ses ordres, il se pliait, gémissait, l'embrassait aussi quand elle se laissait approcher d'un peu trop près. Ce n'était pas sans lui déplaire. Il aurait pu jouer des heures durant, lui apprendre à le découvrir encore, toujours un peu plus, chaque recoin de son corps.

Bientôt ils devraient se séparer. Chacun prendrait un chemin différent. C'est pour ça qu'ils devaient laisser une trace indélébile de leur sentiment, pour ne pas oublier ce qu'ils avaient ressentis. Ces émotions nouvelles, pour l'un et l'autre, qui cette nuit les avaient profondément marquées.