Arto enrageait. Patrouiller (et à pied !) autour du repère des Valkyries. Quelle horreur. Son visage déjà peu engageant se trouvait quelque peu déformé par la fureur et le dégoût tandis que ses yeux d'acier lançaient des éclairs. Les orthos dès qu'ils l’apercevaient, rentraient la tête dans les épaules cherchant à se faire oublier et ils faisaient bien.

Pour la NOD qui avait le plaisir en horreur, cette bâtisse était le cœur de la dépravation. De celle-ci s'échappait une souillure répugnante qui corrompait toute la ville. Les immondes orthodoxes qui montaient les marches menant à la porte ouest, avaient tous cet air hâtif et heureux tandis que ceux qui en sortait semblait tout guilleret et content. Arto aurait tué chacun d'eux si elle en avait eu le droit.

Heureusement pour la population, elle était extrêmement soucieuse des règles et les règles stipulaient qu'on se devait d'user de violence dans un but précis uniquement. Comme tuer tout ce beau monde ne pouvait être justifié par un but quelconque, Arto ne pouvait que ronger son frein. Pourtant, il faudrait bien que quelqu'un paie.

C'est alors que tournant le coin de rue, Arto ressentit une puissante bouffée de haine. Une valkyrie. On en voyait parfois de ces "valkyputes" qui déambulaient et Arto haïssait profondément chacune d'elles. Celle-ci était plus haïssable encore si la chose se pouvait. Marchant d'un pas presque dansant, elle semblait déambuler sans soucis, sans s'en faire telle une imbécile heureuse qui va joyeusement ... au devant de graves ennuis.

Arto en tant que NOD avait le droit d'arrêter quiconque et elle n'allait certainement pas s'en priver aujourd'hui. Jour maudit où le roulement des tours de garde l'avait envoyé dans ce putride marais puant le vice.

Avec une tête de cauchemar, elle s'empressa vers sa victime et se posta devant elle de toute son autorité.

- Arrêtez-vous ! Nom ! Matricule ! aboya-t-elle en fusillant la pécheresse du regard.

L'insouciante regardait en l'air. Elle avait vu un truc mais ne sait déjà plus quoi. Un autre truc avait du la distraire du premier et de truc en truc... elle flânait.
Heureusement que la madame lui a aboyé dessus, sinon, le nez en l'air, elle n'y aurait pas fait attention et aurait continué tout droit. C'est comme ça qu'elle s'arrête net, juste devant son nez, sans doute un peu trop près. Elle fait peur la dame, d'aussi près. Mais tant pis, c'est pas sa faute. Ça arrive à plein de personnes et même des gens très bien, d'être aussi laid. Et puis la colère, c'est pas beau.

-Dolly
euh...445J9...non. 445G6... euh... bah non. 4477C... enfin un truc avec des chiffres et des lettres. Ça commence par 4... ou bien c'est 7 ? Je ne sais plus.
Dites, vous pouvez me rappeler mon matricule ? Je l'ai oublié ?
Il est pas facile à retenir.

L'a t-elle seulement déjà lu une fois en entier ? Il doit être inscrit quelque part, elle devrait l'avoir sur elle, mais ça, elle n'y pense même pas. Pas plus qu'à la raison pour laquelle elle se fait interpeller ni même au fait que la personne qui lui aboie dessus pourrait être dangereuse. Elle ne se demande pas non plus ce qu'elle lui veut, mais c'est parce que ça elle le sait : elle veut son nom et son matricule. C'est simple.
Pourquoi ? Pourquoi pas
Mais elle devrait se détendre un peu, prendre des vacances peut-être. Parce que se mettre dans un tel état agressif et moche pour un nom et un matricule, c'est assez malheureux.
Alors la gentille Dolly la regarde et lui fait un sourire aimable. On se sent souvent mieux avec quelqu'un qui est de bonne humeur.

( )

Arto n'était pas souvent décontenancée mais en entendant les élucubration de cette barge elle eut un petit vertige. Cela ne dura qu'une seconde mais une seconde extrêmement déplaisante.

La surprise passée, le cerveau bien entrainé d'Arto l'informa que cette sale pécheresse n'était pas facile à caser dans les profils types des tableaux normatifs et avec lesquels elle intervenait normalement. De un, le fait qu'elle n'ait pas peur. De deux, qu'elle ne se souvienne pas de son matricule. De trois, qu'elle arrive à sourire naïvement comme si elle voulait lui faire plaisir. Plaisir ? ... Et se faire trancher en morceaux, ça lui ferait plaisir à elle ?

Il n'y avait pas dix mille possibilités. Soit elle souhaitait se suicider (on appelait cette attitude, suicide par NOD), soit elle était un cyborg détraqué (et on trouverait qui l'avait programmée, gare à lui ou elle), soit elle était folle (rien à faire, il n'y avait pas d'asile de fou à Novlangue. -Montrez-m'en un ! - l'élimination était l'option la plus propre.)- .

Ceci dit, Arto était toute disposée à croire à la dernière option. Il était donc malheureux qu'on ne puisse disposer de Valkyries comme des orthos. Elles représentaient un investissements dont la perte exigerait des explications valables. Surtout que si elle avait réussit à s'intégrer dans cette baraque malgré sa fêlure du crane, elle risquait donc d'avoir plus de valeur qu'elle le semblait en avoir au premier abord. Résultat : cette intervention se compliquait dangereusement.

En bref, Arto était en terrain inconnu.

Une fois qu'elle eut réalisé ce fait, la colère se tarit instantanément tandis que ses méninges bien huilées fonctionnait à toute vitesse. Si la valkyrie était vraiment folle, l'intimidation ne servirait visiblement à rien et en bon agent qu'elle était, Arto choisit de changer de tactique. Question de tester d'avantage ce détestable sujet . Tout le monde conviendrait qu'elle ne semblait pas conditionné convenablement.

- Votre matricule. Articula-t-elle d'une vois blanche où perçait une pointe de menace. Savez-vous qu'il est illégal de ne pas l'avoir avec vous. Ajouta-t-elle afin de tester les capacité mentale de la suspecte.

- Avez-vous consommé des drogues ? Renchérit--t-elle, espérant que cette folle le serait assez pour dire oui.

Deux problèmes à la fois : le matricule et la drogue. Attention, ça devient compliqué.

-heummm.... non, j'ai pas pris de drogue... juste un petit déjeuné.

Et elle souris encore, parce qu'il était bon le petit déjeuné. Elle a les yeux qui pétillent en repensant à sa tartine. Va-t-elle se faire arrêter pour consommation abusive de biscotte et état de satiété sur la voix publique ?

-oh mais vous êtes une NOD !

Oui, elle vient juste de s'en rendre compte en regardant l'uniforme. Autrement elle n'aurait pas deviné. Les orthodoxes aussi peuvent être très grincheux et avec des préoccupations étranges.

Une NOD.
Quand on dit "NOD", on a tout dit, le fléau. Ils sont craints comme la peste.
Mais Dolly, elle, ne semble pas vraiment inquiète. Plutôt curieuse et un peu amusée de cette rencontre inattendu dans la rue.
En fait, elle a trouvé une NOD dans la rue, mais au final, elle ne sait pas trop quoi en faire. Alors ne sachant pas trop quoi lui dire, elle meuble, elle sympathise :

-Ca va ?

Et elle a oublié de s'occuper de son matricule (qu'elle a peut-être sur elle). Je vous avais dit que deux problèmes à la fois, c'était compliqué.

Arto dévisagea la suspecte qui semblait confondre drogue et déjeuner. le visage de la valkyrie s'illumina d'un air réjoui tout à fait convainquant ce qui eut comme résultat de hérisser tous les poils du dos de l'agente. La suspecte osait ressentir du plaisir DIRECTEMENT DEVANT ELLE !

"Ho mais vous êtes une NOD ! ... Ça va ?"

Les pupilles des yeux gris d'Arto devinrent minuscules. Sa fureur revenait au galop et il lui venait des envies de meurtres, heureusement tempérés par sa formation rigoureuse. Son professionnalisme lui interdisait d'éliminer immédiatement ce sujet malsain malgré toute l'envie qu'elle pouvait en avoir. Sa conduite étrange menaçait la sécurité publique aussi, il importait avant tout de comprendre quel était son problème. Par exemple, certains virus à haut risque de contagion pouvaient occasionner de la démence. La question de sécurité publique primait donc sur tout désir d'occire, aussi justifié soit-il. Et si elle ne représentait finalement aucun danger d'infection, Arto aurait toute latitude pour s'occuper de son cas à sa manière.

Elle leva son poignet à la hauteur de son visage.

- Attention, secteur 7, porte ouest, je répète, secteur 7, Porte ouest. Demande patrouille d'intervention. Risque de contagion, je répète, risque de contagion. Intervention immédiate.

Arto sortit son pistolet électrique et tint la suspecte en joue.

- Éloignez-vous ! Ceci est une intervention des forces de l'ordre ! Cria t'elle à la populace qui s'enfuyait déjà.

Déjà, deux rues plus loin, elle voyait la patrouille arriver à toute vitesse.

Elle fait encore plus une sale tête, la dame.
J'ai fais quelque chose de mal ? Ou peut-être qu'elle a la colique.

Elle parle à son poignet.
je comprend rien à ce qu'elle lui dit.
Elle est bizarre.

Je m'approche d'elle pour poser une main rassurante sur son épaule en lui disant :

-ça va aller...

mais j'ai à peine tendu la main qu'elle pointe son machin sur moi.

-bon d'accord, je touche pas.

Ça doit faire très mal pour qu'elle ait peur comme ça.

- Éloignez-vous ! Ceci est une intervention des forces de l'ordre !

Ah bon ?
Ah mais oui, c'est une NOD. Et elle travaille. Moi j'y connais rien à son travaille.
Il faut s'éloigner ?
D'accord, j'y vais.

-Bonne chance

Et puis je me dépêche, je cours, parce que tout le monde cours. Ça doit être super dangereux ici. Je sais pas qui c'est le Conte Agion, mais je préfère pas le rencontrer.
Les NODs font vraiment un métier dangereux.

La suspecte lui avait dit "bonne chance" (ce qui confirmait hors de tout doute son état de démence) puis s'était retourné pour s'enfuir. Elle n'avait pas réussit à faire un seul pas que les électrodes à Ion lui transperçaient le dos la faisant aussitôt s'effondrer par terre, inconsciente.

Arto, suivant le protocole, la tint en joue et attendit que la patrouille débarque. Le véhicule se gara et deux agents en sortirent rapidement pour veiller à rétablir l'ordre tandis qu'un véhicule stérilisé fonçait vers eux toutes sirènes hurlantes. Il s'arrêta et des agents en combinaisons orange munis de masques en sortirent au pas de course. Ils débarquèrent une civière sur laquelle fut allongé la valkyrie qui fut aussitôt bouclée dans le camion.

Propre, net, efficace.

Arto communiqua avec la centrale afin de demander à être relevé de sa patrouille pour suivre sa captive. La permission lui fut refusé. Peu importait. La valkyrie en avait pour minimum quatre heures de tests, elle aurait bien le temps de s'occuper de son cas en temps opportun. D'ici là, il importait de continuer sa ronde et d'ouvrir l’œil sur de possibles contaminés qui pourraient croiser son chemin. Ils étaient facile à reconnaître. Air béat, discours benêt, folie certaine.

On va là !

Ps- J'ai trop rigolé