Elle ne l'a pas dénoncé. C'était sans doute la meilleur solution.
Elle est plus maline qu'elle en a l'air, se dit la reptilienne. Mais est-ce que ce ne serait pas de la gentillesse et non seulement de l'intelligence ? Quoiqu'il en soit, Liza saura être reconnaissante. Sans doute plus qu'elle ne l'aurait été il y a un siècle. Sa conversion au Nimatisme lui aura apporté quelques valeurs qui pouvaient lui faire défaut... ou du moins quelque chose qui y ressemble.
Peut-être aussi que le fait de changer d'air et de trouver un but dans sa vie l'aura rendu un peu moins froide, indifférente et ingrate. Elle n'était qu'un dangereux parasite vivant comme une clocharde. Vous lui tendiez la main, elle partait en vous emportant un bras et vous fracassait le crâne si vous veniez le réclamer.
Bon maintenant, elle vous attrape par le poignet et vous saigne la main par surprise. Mais c'est mieux, non ? Quoique ça ne veut pas dire qu'elle n'est plus capable de vous fracasser le crâne quand vous avez le dos tourné. D'ailleurs, le sait-on seulement, de quoi elle est capable ?

La NOD demande une description précise. Sio ferait sans doute mieux de la donner surtout s'il y a d'autres témoins. Voyons comment elle va présenter la bête.
Si on sait à quoi ressemble Liza, elle sera recherchée ? Sans doute guère plus que n'importe quel autre mutant. Avec la tête qu'elle a, pas besoin d'avoir autre chose à lui reprocher pour l'arrêter, voir même pour tirer à vue et la mettre à mort sans autre forme de procès.

Par contre croquer dans un champignon sans le connaitre, ce n'est pas très malin. Avec un peu de chance, elle sera tombée sur celui qui est le plus vénéneux et ne devrait pas tarder à claquer.

Un bon début. Oui, toutefois, ce n'était pas assez. Elle en savait, la plèbe en savait toujours plus. Et si ce n'était pas le cas ? Eh bien, les directives déconseillaient certes les exécutions sommaires, mais les interrogatoires musclés étaient après tout monnaie courante ... La notion de bavure était très floue à Novlangue. Pourquoi un manteau aussi grossier, pourquoi un panier de sauvage alors que tout cela aurait été bien plus facilement conservé et caché dans des pièces de stockage standard ?

Oh, la petite frappe violente avait disparue, en même temps que le cigare qu'elle prit bien soin de glisser, encore allumé, bien en évidence dans ce panier.

" Ce n'est pas ce que j'appelle une "description détaillée", madame. Des lézards, il en court des dizaines dans les bas-fonds, et l'on pourrait passer notre journée à vider nos armes à vue qu'il en courrait toujours plus. Un peu de remédiation ne serait pas trop vous demander j'imagine, au vu de ce que vous semblez cacher ici. Je veux son nom complet, une description de tout ce qui pourrait distinguer cette marchande de mort du reste des loques de l'extérieur. "

Elle re-scrutait méthodiquement tout ce qui pouvait l'être dans cet appartement, la moindre miette d'information, le moindre détail louche. Même pour un robot, ce n'était pas une mince affaire au vu du fatras ambiant, et malgré sa " paranoïa organique ", son alter-ego avait vu juste : On ne pouvait pas discerner le naturel du paniqué. Cette petite parade organique d'innocence ne marcherait pas.

" Vous aviez dit de plus avoir ouvert à une bête se trainant à peine. L'auriez-vous agressée pour avoir votre dose de ... quelque puisse bien-être ce que vous pouvez ingérer. A quoi sert ce manteau et ce panier ? Un signe de reconnaissance ? Je veux tout savoir, et tout de suite ... A moins que vous ne cachiez un cadavre ou ... qu'elle ne soit toujours ici. "

Son ton s'était davantage encore durci sur cette phrase, elle s'était relevé, semblant vraisemblablement chercher du regard un objet utile parmi le bazar.

" Allez madame. Vous ne voulez pas savoir ce dont je peut-être capable pour vous faire parler ... "

Les dernières sécurités retenant la machine sautaient les unes après les autres, et même Kane n'aimait pas ça. Si elle la laissait faire, on ne tarderait pas à découvrir guère plus qu'un cadavre disloqué et impossible à identifier, au milieu d'une mare de sang, d'entrailles et de casseroles cabossées...

Pourquoi n'a t-elle pas tout balancé une bonne fois pour toute ? Pour tenter de la couvrir parce qu'elle l'aime bien ou par peur de représailles ?
Au lieu de ça, elle se présente comme une habituée de trafics douteux.
Si elle n'était pas aimée des esprits, Liza ne donnerait pas cher de sa peau.

Mais c'est qu'en plus, elle insiste, la NOD. Qu'est-ce qu'elle cherche ? Pourquoi s'acharner à propos d'une marchande de fruits et légumes ?
"marchande de mort" ? Non mais elles ont finis de critiquer les beaux produits du jardin ? Une qui dit que c'est pas bon et que ça pue sans avoir jamais gouté (et qui était prête à lui acheter une pomme) et l'autre qui parle de vendre la mort. D'accord, il y a bien quelques poisons mortel dans ses poches ou son panier, mais c'est quand même assez réducteur.

Liza les maudit intérieurement.
... non en fait pas Sio, elle a déjà assez la poisse comme ça.

Et si sa main s'est posé sur son épaule dans la rue, ce n'était surement pas un hasard. Pourquoi les esprits l'on-t-ils mené à elle ? Juste pour la mettre à l'épreuve en attirant un NOD chez elle ? Dans ce cas, n'importe quel insurgé aurait fait l'affaire, non ? Hors, Liza n'est pas n'importe quel mutante. Elle est Nimatarde, une prêtresse des esprits Nimats. Ils ont des projets pour Sio et attendent certainement quelque chose de la part la sorcière. Est-ce qu'il s'agit juste de lui lever les mauvais sorts ? (ce qu'elle n'a pas pu faire correctement).
Ils veulent qu'elle reste en vie.
Donc, il ne faudrait pas que la fliquette la tue.

Voilà qui rend la situation déjà plus compliquée.
Est-ce que la lézarde devra voler à son secours pour compenser le contre-sort qu'elle a raté ? et risquer de se faire tuer à sa place ?
surement pas.

Quoique d'un point de vu religieux, Liza risque moins sa peau, puisqu'elle n'a pas été maudite, elle. Elle a même fait un rituel de protection contre les mauvais esprits, juste avant de se cacher.
Est-ce qu'elle aura suffisamment foi en cette magie pour oser sortir de son placard et sauver Sio ?

Pour le moment, elle ne s'en sort pas si mal. Patientons un peu et peut-être qu'il n'y aura même pas besoin de tenter de diable.

" Bien, bien ... Vous voyez quand vous voulez ? Ce n'est pas si difficile d'être coopératif avec la Loi ... "

Avec maints efforts, Kane avait réussi a reprendre le dessus pour éviter une boucherie ... Bien sûr, cela n'éviterait pas à la délinquante de se retrouver en collaboratrice passive de la police, mais elle évitait, du moins pour l'instant, une séance de torture poussée ... : Elle était à la limite de se chier dessus, on en tirerait rien de plus ...

A moins que ...

* LAISSE-LA MOI ! ELLE EST COUPABLE ! *

* Woh woh ... Calmos, branche tes refroidisseurs ... *

Crise intérieure, tandis que l'extérieur semble impassible ... Malgré ses efforts, l'humain du céder. L'interrogatoire allait reprendre ...

" Vous ne m'avez cependant pas répondu ... Pourquoi ce panier ? A quoi sert ces haillons ... Pourquoi une telle quantité ? ... Ne dealez-vous pas vous même ? Avez-vous quelque chose de plus à me cacher ? "

Des haillons... elle y va un peu fort quand même.
C'est artisanal, c'est tout... elle a pas bientôt fini de critiquer mes affaires ?!

La NOD ne lâche pas le morceau.
Une coriace.
Mais que des mots, rien de dangereux... pour l'instant.
La lézarde ne bouge toujours pas le petit doigt.

allez, dis lui que tu me l'as piqué, mon panier et le manteau avec. Est-ce qu'elle t'en voudrait de larciner les hors la loi ? Sans doute moins que d'en cacher chez toi.

L'inspection de l'intérieur de l'appartement continuait. La Cyborg entendait larmoyer cette pauvre fille, elle, pendant ce temps, en attendant sa réponse, fouillait méthodiquement les tiroirs, en quête de quelque chose, d'une preuve du passage, ou de sa présence. La réponse vint, mal assurée, la voix de leur interprète ébranlée. Son colocataire d'esprit avait peut-être raison, mais en effet, elle semblait devenir humaine ... Elle prenait une certaine jouissance dans ce pouvoir d'ingérence dans la vie des gens, c'était grisant, même pour un robot. Une simple visite de routine pouvait se transformer en véritable Inquisition Espagnole ...

Et personne n'attends l'Inquisition Espagnole ...

Une private joke interne qui fit rire Kane, lorsqu'il se retourna pour vérifier que la porte ne claquait pas à l'arrivée de personnages religieux troublants ... Cette demi-seconde de latence, à se recueillir sur des inepties et des références douteuses, avait interrompue Oktane à deux doigts d'ouvrir ce tiroir d'où semblait s'être extirpée les casseroles. En fait, quelque chose d'autre l'avait troublée. Pas la voix, pas les pleurs ou les lamentations, pas les mots. La main.

Le gant semblait clignoter faiblement. Quelque chose de troublant, de très troublant. Quelque chose de manifestement peu légal.

Kane reprit vite le dessus, flairant un danger potentiel et ressortant l'arme dans un geste vif, tenant bien en joue cette ... Chose ?

" Vous allez me retirer ce gant tout de suite et me dire ce qu'est ce foutoir avec votre main. TOUT DE SUITE ! Si vous faites un geste de travers, je vous dézingue par simple mesure de sécurité ... "

C'est vrai, une simple main clignotante sous un gant pouvait cacher n'importe quoi ... Une bombe, une grenade, une arme de dernière génération ... Un laser robotique incrusté dans le bras ... On est jamais trop sûr ...

Ça devient (enfin) tendu, du point de vue de la lézarde. Si la NOD force Sio à montrer ses mains, elle est cuite. Il y a des chances pour qu'elle lui mette une balle dans la tête aussitôt qu'elle aura vu ce qu'elle est : une mutante. Qui dit "mutant" dit généralement "rebelle" et ces derniers sont rarement épargnés.

Il faut faire quelque chose avant que ça n'arrive. Maintenant, tant que toute son attention est portée sur la pauvre luciole bleue.

Alors Liza pousse doucement la porte du placard, empoigne discrètement le manche d'une casserole et sort de sa cachette avec toute sa furtivité reptilienne, sur la pointe des pieds, dans le dos de la NOD.
Quand elle est assez près, elle lève la casserole au dessus de sa tête et vlan, elle la rabat de toutes ses forces sur le crâne l'asiatique en uniforme.

Le métal résonne. Mais est-ce que ça suffira pour l'assommer ?

Et la cyborg attendait. Le coup n'allait pas tarder à partir ... Et puis là.

*BONG*

[i]Sous le choc, le métal de la casserole résonne de façon anormale, la machine tombe en arrière, pressant la gâchette de son arme par réflexe. Tout au long de sa chute, un bruit assourdissant et une trainée de trous de la taille d'un poing humain dans la mur, faisant surgir le soleil dans l'appartement par autant de nouvelles fenêtres.

On l'agressait ! Qui donc oses ?

Dehors, on peut entendre l'explosion d'un véhicule volant malencontreusement touché par la rafale, qui a continué son chemin jusqu'à l'immeuble d'en face pour en marquer profondément les murs ...

L'unité gît pour l'instant à terre, les lunettes éclatés, les cheveux ébouriffés, les yeux vides... Littéralement, deux globes d'un noir d'encre, sans aucune espèce de ressemblance avec un œil humain.

* Késeksfoutoir ? Cap'taine, je crois qu'on est touchés ... Heu, ça va ? *

* Intégrité structurelle du blindage crânien : 76% Nature de l'attaque : Ustensile de cuisine à large surface d'impact. *

* Ah oui, quand même ... *

Sio est sauvée. Les esprits seront contents.
Elle s'enfuit sans plus attendre.
Tant pis. Mais il faudra qu'elle la retrouve, au moins pour finir correctement son rituel anti-poisse.
Et puis cette femme a un lien certain avec les esprits. Une aubaine pour la chamane qui cherche à s'en approcher toujours plus. C'est qu'elle ne traine pas ses écailles dans le coin uniquement pour troquer des pommes contre des piles et du PQ.

Les coups de feu auront surement alerté tout le quartier, sans compter l'explosion d'un assez gros engin, dehors. Il ne faut pas trainer dans le coin.
Mais la lézarde n'en revient pas. Elle regarde encore les trous dans le plafond, la NOD au sol et la casserole dans sa main, avec un air un peu ahurie. Voilà comment on fait exploser un véhicule et ruine deux bâtiments avec une casserole.

Le manche toujours dans une main, de l'autre, doigts écartés, elle dessine un cercle au dessus de sa tête. Un signe aux esprits qui sont forcément avec elle pour arriver à un tel prodige, ou juste une espèce de mouvement de joie pouvant signifier "trop d'la balle !" ? Cette deuxième possibilité collerait bien avec son petit air satisfait.

La lézarde se penche au dessus de sa victime. Ses yeux noirs étranges ne lui disent rien de bon.
Elle trouve aussi le reste d'un champignon, celui dans lequel elle a croqué et qui devrait lui donner au moins une bonne chiasse puis une jaunisse, des délires, un coma, peut-être la mort... Elle lui jetterait bien un sort pour favoriser cette mort ou qu'au moins si elle survit, qu'elle ne puisse jamais retrouver sa trace. Mais elle ne préfère pas prendre le risque de la réveiller.

Elle remet son manteau, fourre la casserole dans son panier à provision, ainsi que l'arme de la NOD qu'elle ramasse (ça pourra toujours servir), attrape un rouleau de PQ dans la salle de bain en passant (tant qu'à faire) puis s'en va à son tour de cet endroit qui pue la poisse.

Reboot du système. Les yeux se rallument, les bras tâtent les alentours. La Cyborg se relève comme si de rien n'était ... Elle regarde aux alentours : Du verre brisé, toujours ce bordel... Ils sont partis en hâte. Depuis combien de temps ? Une minute, des heures ? Ils lui avaient pris son arme aussi.

" MERDE ! " Lance-t-elle, en envoyant un coup dans le mur pour se débarrasser de sa colère...

Ce dernier, qui n'en demandait pas tant après la rafale qui l'avait perforé de part en part et ruiné sa stabilité, s'effondra sans demander son reste.

Elle retourna l'appartement, méthodiquement. Renversant les tiroirs, à la recherche de tout ce qui pourrait se révéler utile ... Rien, mis à part une photo dans un cadre de cette petite ordure. Le bordel ambiant ne s'était pas arrangé, mais une chose avait néanmoins éclos.

C'était maintenant une affaire personnelle.