Tout va bien, je suis sur le bateau, la zone est belle, grande, les sièges ont l'air moelleux, y'a même un bar à l'horizon ... Oui, la vie est belle, le trajet serait sûrement potable.

Mais y'a un truc qui cloche là. Elles sont où les hôtesses censées être des bombes atomiques ... Je vois personne. Sérieusement, j'ai payé quoi !

La Marine perds de sa superbe. Amsterdam me manque presque ... Ça y est, le mal du pays me frappe, il me faut fumer prestement

Raaaaaah aaaaaah !!!

Quoi encore ? ... Ah, tiens, y'a un type en habit de marin, un sourire niais, je l'avais même pas remarqué celui-là. Sûrement un gars de la compagnie.

Pauvre gars, il doit vraiment s'emmerder dans son boulot pour devoir sourire comme ça, j'ai pitié pour lui. Vraiment dégradant pour la condition de l'homme ça...

Boarf, il pourra peut-être au moins me renseigner... Ah, voilà qu'il se recoiffe à la bave.

... Bon, de toutes façons, j'ai pas le choix, faut bien commencer.

'Scuse-moi, t'sais si on peut fumer ici ... ? Accessoirement, si tu sais où sont les chambres, ça pourrait m'aider aussi.

Bon, voilà, faut bien commencer, alors j'attends une réponse, en regardant les personnes qui arrivent ...

Je suis déçu là. Ça baisse, j'aime pas quand ça baisse. Depuis quand on a plus le droit de tirer son taff à l'intérieur du bâtiment ? Qu'est-ce qu'on en a à foutre du confort des autres ? C'est que des gros américains et des grand-mère pétées de thunes ! C'est presque d'utilité publique de leur servir de bourreau avec un petit truc à fumer quoi : Leur héritiers n'attendent que ça !

Ah, le gars parle de "gros calibres" ? Je le toise d'un regard suspicieux ... Serait-je découvert, ce bonhomme serait-il d'Interpol ?... Il tente de noyer le poisson avec une histoire de réserve de cigare ...

Cet homme est louche ... Serait-ce une simple coïncidence, un jeu de mot mal placé, ou en sait-il plus ?

Je vois, je vois. Vous êtes superbement organisé, c'est vraiment bien ... Je vous crois sur parole car vous avez l'air d'un fin connaisseur. Dites-moi, comment est votre blanquette ?

Quel serait sa réponse ? Voilà quelque chose que j'attendais avec une impatience certes dissimulée mais réelle ...

Après avoir franchi l'immense passerelle d'embarquement et pris de la hauteur par rapport aux quais, notre brune arrive dans l'immense Hall d'Entrée du paquebot.
Magnifique !
Faste !
Immense !

Elle stoppe devant deux messieurs. L'un qui a tout l'air d'être passager comme elle, l'autre habillé en tenue de marine, personnel à bord.

Bonjour !

Pas très élégant n'est-ce pas ?
Elle est quand même censée les laisser continuer leur conversation. Mais elle ne s'en rend même pas compte et continue.

Mais c'est subliiiime !
Dites donc la brochure ne ment pas !

Petit battement de cils vers les deux hommes.

Le bar mon cher ...
Où est votre bar ?
Je meeeeeeeure de soif par cette chaleur !

Elle retire son grand chapeau et le fait battre devant son visage pour s'aérer.

Je n'ai même pas le temps d'obtenir ma réponse ... Qui est cette fille au juste ? Quelque venu à la rescousse ? Une nouvelle venue ? Non, elle a la tronche d'une touriste, le ton d'une touriste ... Bon, un physique aguicheur et un accoutrement franchement suggestif. Un air vaguement asiatique. Une fille de riche sûrement refaite sous toutes les coutures.

J'aime pas les filles en plastique.

Encore moins quand celle-ci l'interrompt dans une question cruciale. Et pour demander n'importe quoi.

Non, mais c'est vrai ! Le bar est visible d'ici ! La piscine là-bas avec le pingouin et sa femme sur les transats !

Un peu de jugeote quoi ! ...

Mademoiselle, permettez-moi de vous présenter mes plates excuses, mais je suis en grande conversation. Ce serait toutefois un grand honneur de vous aider à trouver ce lieu de vos désirs.

Permettez-moi de me présenter : Mon nom est DeSheet, Barrett DeSheet.

Petit baise-main, hop.

QUOI ? Ok, c'est vrai, j'm'en tamponne qu'elles soient refaites ou non ... Sérieusement, du moment qu'une bagnole est jolie, vous regardez si le pare-choc est de série ? ... Roh, bande de tocards.

Une jeune femme en tailleur se dirige vers la réception d'un pas pressé, tout en tapotant sur sa tablette tactile dernier cri.

Bonjour. Mademoiselle Diallo, secrétaire particulière de madame Abolizan. Veuillez me conduire à la suite de Madame, j'aimerais m'assurer que tout est en place.

Plus loin, une timide jeune fille en chignon strict et robe grise attend, les mains sagement jointes.

Mon humaine me traine (bon, concrètement elle me porte mais c’est comme si elle me trainait) jusque dans le grand hall. Direct elle me souffle à l’oreille :

Hm ! Ca semblait plus prestigieux sur la brochure. Mais bon, comme maman dit souvent : on se contente de ce qu’on a. N’est-ce pas mon Bichon d’amour ?

Oui, oui, maman. J’en ai strictement rien à foutre de la brochure et de ton blabla. Moi, je veux pisser. Alors, pendant qu’elle admire le jolie hall moins beau que dans la brochure, moi je me débats et réussi à m’extirper de ses bras. Une fois à terre, je file tout droit jusqu'à trouver un large machin vertical contre lequel je peux enfin me soulager. Je fais le tour en reniflant pour repérer le meilleur angle de jet et… Aaah… Ca fait du bien.
J’entends mon humaine gueuler derrière moi mais je m’en fiche, je continue.

Madame court vite rejoindre son pauvre petit Bichon qui s’est échappé. Elle ne comprend pas, il n’a jamais fait ça auparavant. Et elle ne comprend pas non plus pourquoi il fait ses besoins contre les jambes du capitaine. Il n’a jamais, mais alors jamais agit de la sorte !

Bichon ! Bichon ! Allons, mon petit ! Mais qu’est-ce qu’il te prend !
Désolée, monsieur, je ne comprends vraiment pas ce qui lui arrive. Il doit être nerveux à cause de cette croisière. C’est la première fois que je l’emmène.
Bichon ! Arrête ça tout de suite !

Ouais, c’est bon, regarde, j’ai fini !
Je baisse ma patte et retourne au près de mon humaine.
C’est fou ce que ça peut râler une vieille !
Elle me reprend dans les bras.

Vilain ! Vilain Bichon !

Ginette, détendue, les hanches dodelinant au rythme d'un coup de cul seconde, entre dans le hall. Il y a déjà du monde, et évidemment elle ne reconnaît personne. Du beau monde, qui plus est. Alors elle se regarde avec ses fringues H&M. Mais elle a quelques robes de meilleures factures dans sa valise qu'elle traîne. Tant mieux, elle leur en fera voir ce soir. Et puis même mal habillée, une beauté reste une beauté. Esméralda était bien une gitane non ?

Ginette sera donc une prolétaire de la classe moyenne qui n'a rien à jalouser des autres. A-t-on déjà vu une crinière si soyeuse ? Une peau aussi parfaitement épilée et une menton aussi volontaire ? Que nenni : Ginette est d'une autre sorte de beauté, et alors ? Mais d'une beauté singulière. Baudelaire disait bien que le beau est bizarre !

La femme s'élance vers... vers qui ? L'employé est déjà pris, et les autres convives se ruent vers le bar. Pourtant elle est pas timide la Ginette. Elle est bien trempée, comme disait... qui ? Peu importe. Elle est bien trempée donc, et elle fait un bon mètre quatre-vingt au saut du lit. Pas de problèmes dans les mêlées. Une grande rudbymen croisé aux suédois d'Abba.

No Money money money...

Mais miss Albi-sur-creuse quoi ! Sourire colgate, et on fend la masse, étreint à pleine poitrine la marée humaine, se masse contre l'obstacle jusqu'à le faire ployer. Et Michel qui lève sa tête noire, l'air presque menaçant.

Bonjour, voici mon tiiicket ! J'ai gagné le concours des Tartiflettes. C'est où que je pose mes valises ?

Puis, comprenant que ses origines modestes sont encore trop visibles, elle se reprend.

S'il vous plairait aimablement monsieur.

C'est bientôt l'heure le capitaine a dit. Préparez vous le capitaine a dit.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Julie est parfaite. Fin prête. Jupe de soubrette, porte jarretelle et bas résilles. Le fouet posé sur le bureau à coté d'elle. Dos à la porte, avant bras posés sur le bureau, penchée en avant.

Youhouuuuuu ! Capitaine ! Je suis prête !

Ce n'est qu'au moment où le capitaine est rentré dans le bureau avec son costume des grand jours qu'elle a réalisé notre Julie. Ah sacrée Julie ! Elle en rate pas une quand même.

Déjà les cornes du bateau retentissent annonçant le début de l'embarquement.

Euh... Même pas le temps pour un p'ti...

Apparemment non, le capitaine est déjà sorti du bureau et fermant la porte derrière lui. Alors la Julie elle tape du pied, boudeuse et elle va se changer pour accueillir les passagers.

Tenue habituelle. Petit chemisier rose et jupe droite blanche. Adieu porte jarretelle et bas résilles. Elle oublie sûrement quelque chose, comme d'habitude mais elle arrive pas à savoir quoi.

Bref, c'est comme ça qu'elle arrive dans le hall d'entrée juste à temps pour voir un bichon faire ses besoin sur le pantalon du capitaine. Alors qu'est ce qu'elle fait notre Julie à votre avis? Ben oui, elle se précipite à genoux devant le capitaine, mains sur sa braguette et devant tout le monde s'apprête à lui retirer son pantalon.

Oh mon dieu... Mais faut tout de suite aller rincer ça...

Laissez Capitaine, je vais m'en occuper !

Il était un petit navireuh, il était un petit navireuh...

C'est bien beau comme rafio dites donc. On est bien loin du voyage en gargot qu'on avait fait avec ma femme...

*soupir*

Olalalala ! Le baise-main et tout et tout !
"Môsieur" moi j'dis.

Il se présente.
Barrett. DeSheet.
Tout un programme dites donc !

Je lui répond bien aimablement en lui agrippant le bras.

Moi c'est ...

Whaaaaa !!!
Pas réussi à sortir mon prénom que le type du bateau se met à nous faire l’hôtesse de l'air !
Et pour les coursives c'est par là !
Et pour les chambres c'est par là !
Intéressant ça ! Mais pas pour tout de suite héhé !
Et pour le bar c'est par là !
Ah là il m’intéresse ! Je pète la soif !
Et il a fini son spectacle.

Bref ! J'ai réussi à savoir quelle direction prendre pour aller boire un verre.

Alors j'amène mon compagnon de bateau, Barrett, et l'emmène sans lui demander son avis vers le Bar à l'extérieur.

Donc je vous disais, moi c'est Claudia.
Vous êtes ici pour les vacances ?
Vous aimez les Croisières n'est-ce pas ?
Moi aussi j'adore !
En plus je les connait toutes par coeur !

Et je parle, et je parle, j'adore parler !

Oh! Bichon, ne regarde pas ça !

Trop tard, j’ai vu. Cette nana a bel et bien ouvert la braguette du poteau mobil. Et alors ? C’est pas pour autant que tu dois me cacher l’œil gauche, ce qui, en l’occurrence, ne sert strictement à rien, vu que je ne suis pas aveugle de l’œil droit.
Vous êtes vraiment bizarres, vous, les humains. Nous, les chiens, on se renifle le cul sans que pour autant ça choque quelqu’un.
En parlant de chien, ça snif les fesses de toutou dans le coin. Alors comme tout à l’heure, je gesticule un peu et paf ! Je me ramasse la gueule par terre comme un imbécile.
Bon, vite avant qu’elle ne me re-choppe cette vieille peau.
Snif par-ci ! Snif par-là ! Et je retrouve la piste de ce chien.
Ahooouuuu !!!! Direction : le pont supérieur !

Madame n’a pas le temps de réagir fasse à la situation bizarre qu’elle doit de nouveau courser son petit Bichon adoré.
Elle tente de le suivre et de le rattraper ce qui n’est pas chose facile à 63 ans et avec des talons trop haut pour cet âge.